Définitions
Cet
article a constitué le point de départ d'une intervention
dans un colloque à Nice sur la discrimination/stigmatisation
dans la prise en charge et le traitement des maladies mentales en psychiatrie
(http://natamauve.free.fr/Stima-queer/Stigma-q-thomas.html ).
Le
transsexualisme est habituellement défini sur des caractéristiques
simples tel que le reflète le DSM
Le
transsexualisme ou « Syndrome de Benjamin» est la situation
dans laquelle une personne a la conviction de posséder une
identité de genre opposée à son sexe anatomique
de naissance : un être humain né homme
se sent profondément femme, et inversement. Cette
situation, socialement méconnue, enferme généralement
l'individu concerné dans une grande détresse morale.
Ce n’est ni un fantasme ni une forme de sexualité. Cela
ne s'apparente pas à l'homosexualité, qui est une orientation
sexuelle. C'est un trouble identitaire dont les origines,
physiologiques ou psychologiques, sont à ce jour inconnues
et font toujours l’objet de débats entre spécialistes.
[c'est
moi qui souligne en gras]
Une
identité de genre opposée à son sexe anatomique
de naissance : un être humain né homme
se sent profondément femme, et inversement
Nous
savons depuis Simone de Beauvoir que l'identité est un devenir
et non une naissance. Dans ce passage, la définition par la naissance
[le sexe de naissance] est reprise.
A
la suite de cette définition, je propose donc celle-ci :
Le
transsexualisme est la situation dans laquelle une personne (se) vit
avec une identité de genre opposée à son sexe
social qui lui est donnée à la naissance : une personne
de sexe mâle se sent profondément femme (MtF –
homme vers femme ou mâle to female), et inversement (FtM –
femme vers homme ou female to male).
Le
sexe social ou identité de genre est l'identité vécue
de sujets sociaux. Généralement, l'identité à
soi et l'identité sociale sont convergentes globalement. Les
enfants nés mâles et éduqués en garçons
deviennent généralement des hommes, leur genre est généralement
masculin, leur comportement intime et social est généralement
celui de la maculinité. Idem des femmes. Il manque au tableau
l'androgynie psychique.
Ces
généralités sont statistiques et composent la généralité
de la population se reconnaissant et se médiatisant dans le tissu
de normes binaires. Ce qui a manifestement changé dans les sociétés
occidentales, est notre rapport à la norme et à la normalité.
Norme et normalité sont deux choses distinctes. Le comportement
masculin d'un homme répond fondamentalement à une norme
culturelle de société et non un fait de nature et-ou une
essence (fait profond de l'identité propre d'un sujet social)
mais à un construit convergent, à la fois personnel (individuation
psychique) et social (appartenance à une classe de genre, langage,
identitication à un sexe social, un comportement de genre…).
Concernant
ce passage :
[un]
trouble identitaire dont les origines, physiologiques ou psychologiques,
sont à ce jour inconnues et font toujours l’objet de
débats entre spécialistes.
Le
transsexualisme n'est pas un trouble de l'identité
[sexuée ou sexuelle] mais le développement psychique de
l'enfant dans le rapport à l'identité sociale et donc
à l'assignation de celle-ci. L'inconnue du transsexualisme réside
pour l'essentiel au fait de sa nouveauté et, face à la
binarité naturalisée, son étrangeté. Par
ailleurs, à l'influence profonde de nos valeurs attachées
à une historicité de l'histoire des sexes ; histoire difficile,
profondément inégalitaire et marquée par le sexisme
entre les genres sociaux.
un
trouble dont les origines sont inconnues…
Comment sait-on qu'il s'agit d'un trouble ? Réponses très
lumineuses sous la forme d'un refus de l'altérité, d'un
comportement anormal, d'une menace des fondements de la civilisation…
bref, toutes choses du régime hétérosexiste intégralement
reportées de l'homosexualité au transsexualisme et plus
largement à la transidentité.
Sur
les débats, la communauté
trans' souhaite dialoguer avec les <spécialistes>. Comme
déjà indiqué (edito), ce dialogue reste largement
infructueux jusqu'à présent voire totalement inexistant.
La même opprobre publique est jetée en pature par ce même
régime hétérosexiste et inégalitaire sur
les mêmes bases q'uavec l'homophobie.
Quant
à l'origine inconnue de ce fait de l'identité,
c'est faux. Il s'agit du développement psychique de l'enfant
et ce fait existe partout dans le monde et a toujours existé
à toutes les époques. Ce qui vient écarter ce développement
et le rendre particulier, voire particulariste, c'est l'absence de place
de cette identité dans la construction sociale des identités
de genre (homme, femme) et des genres (masculin, féminin) superposés
au comportement normatif de genre (féminité, masculinité).
Le comportement de genre relève de normes et n'a aucun lien avec
le corps excepté le lien culturel que nous lui prêtons
par analogie. Dans ce débat, on peut se poser au moins deux questions
relatives à la transidentité :
-
où sont les identités androgynes dans notre société
; quelle place pour cette identité, sous quelles formes et expressions,
quel genre, quelle identité de genre, quel comportement social
ces personnes adoptent-elles? quelle filiation narrative en sachant
l'absence de place dans la société à l'instar des
autres groupes transidentitaires ?
-
la résolution actuelle du transsexualisme par les traitements
médico-chirurgicaux et administrative (changement de sexe social
et de papiers d'idnetité) aurait-elle toujours lieu dans une
socialité ouverte de X sexes sociaux où l'opération
est une option individuelle ?
Quels
nouveaux types de liens entre l'identité de genre et le genre
croisé à la problématique socioculturelle du vêtement
? Celui-ci est-il simplement l'expression du rôle de genre ? On
connait la dérive psychologique du travestissement depuis longtemps.
Les identités transgenres et queers ont largement innové
dans ce débat sans que ces innovations aient un impact dans le
discours ambiant et dans les recherches pourtant actives sur le genre.
L'impact du queer et de la forme transgenre a désormais un impact
sur la transition transsexe qui ont le choix entre la forme cisgenre,
transgenre, queer, voire agenre sans que cette "absence de genre"
soit la conséquence d'un refus ou d'un manque initial mais (par
exemple) l'expression d'un désintérêt profond pour
la binarité de genre. G. l'exprime ainsi : "le
questionnaire concerne le vêtement, la forme. Dans le fond je
suis une femme alors je m'habille en femme, c'est la forme, mais je
pourrais être habillée en mec que je me sentirais toujours
autant femme, c'est le fond, le vêtement est un accessoire. "
Lire
également l'article de Tom Reucher : http://multitudes.samizdat.net/Quand-les-trans-deviennent-experts.html
***********
A
la suite d'une émission sur ce sujet, France 5 propose le texte
ci-dessous.
http://www.france5.fr/sante/societe/W00511/11/
La
transsexualité est une discordance entre le corps et l'esprit.
Les personnes transsexuelles ont l'impression d'être nées
dans le mauvais corps, c'est-à-dire soit dans le corps d'un
homme alors qu'elles se sentent femme, soit dans un corps de femme
alors qu'elles se sentent hommes.
Ce trouble concerne entre 5 000 et 10 000 personnes en France, mais
il est difficile de donner une estimation précise puisque l'on
ne dispose d'aucun recensement.
L'origine serait double, à la fois psychologique et biologique.
Psychologique d'abord, puisque certains privilégient la thèse
d'une confusion d'identité liée à l'enfance,
voire au désir des parents d'avoir un enfant de l'autre sexe.
Biologique ensuite, car pour certains chercheurs, la transsexualité
viendrait d'un dérèglement entre les hormones mâles
et femelles. Mais à l'heure actuelle, il n'y a toujours pas
de véritable explication.
Premier
point qui détermine ce texte : La
transsexualité est une discordance entre le corps et l'esprit.
On
remarquera dans ce texte l'absence de toute marque discriminante évidente
et de relation à une éventuelle affection : bref, on soigne
en apportant une aide mais on ne remet pas en cause le prépostulat
de base : la discordance
dans la
relation binaire entre le corps et l'esprit sous la forme d'une trouble
déterministe, laquelle en appelle à une "maladie
mentale ". Ce qui ramène l'approche à :
-
une position naturaliste et hétérocentriste où
c'est le corps sexué qui définit/détermine la sexualité,
celle-ci se situant avant la culture et l'organisation de la société
en deux identités de genre ;
-
surdéterminant l'identité de genre qui disparaît
sous l'identité de sexe/sexuée/sexuelle.
Il
en découle que c'est l'orientation sexuelle (hétérosexualité,
homosexualité, bisexualité…) qui détermine
l'identité globale d'une personne. La psychologie et le comportement
sont sensées suivrent ce modèle par l'identité
de sexe. Le cadre de socialité définissant les deux sexes
sociaux que nous connaissons disparaît entièrement derrière
le paravent naturaliste, tout en reconnaissant par ailleurs (certains
auteurs du moins) l'autonomie socioculturelle des genres et des identités
de genre.
Le
paradoxe saute ici aux yeux : nous ne sommes pas des mâles ou
des femelles, pas de hétéro, homo, bisexuels mais des
hommes et des femmes.
L'approche
psychologique est réduite à deux hypothèses : une
confusion d'identité et la relation parentale ; hypothèses
invalidées. Reste l'improbable hypothèse biologique et
le déterminisne psychique de l'enfant. Mais après tout,
celle-ci est en train de prendre un tournant décisif avec les
neurosciences, laquelle a invalidé quantité de dogmes
de la psychiatrie et de la psychanalyse, à commencer par l'origine
de troubles comme l'autisme dont nous savons désormais qu'elle
n'est pas une maladie mentale due aux parents et en particulier à
la mère.
La
discordance advient non entre le corps
et l'esprit mais entre l'identité de genre vécue par un
sujet et la conception binaire que l'on donne de ce lien corps-esprit.
Dans une société binaire, il n'y a que deux genres sociaux,
l'homme et la femme, référés à un ancrage
culturel sur le corps sexué (ce lien corps-esprit ou dans les
textes d'obédience psychanalytique le moi-peau). Le corps n'est
nullement une entité biologique, naturelle et autonome; il est
une instance in/variante de la culture et de la hiérarchisation
en deux genres sociaux. Ramener le transsexualisme à une discordance
individuelle n'explique rien. Elle est une contrainte à la binarité
essentialiste.
La
société est de plus en plus consciente de l’existence
de personnes dont l’identité de sexe et de genre diffère
des normes sociales admises. L’émergence de cette réalité
va de pair avec la connaissance des difficultés auxquelles
ces personnes doivent faire face. (Curtis Hinkle)
Comme
pour les intersexes, les trans (transsexes, transgenres, travesti, androgyne…)
ont de plus en plus conscience de l'interaction unitaire entre corps
et l'esprit ne se réduisant pas à la binarité occidentale
sous la forme des identités de genre/sexe <femme> et <homme>.
La révolution des <343 genres> est en marche pour dire
la réalité de l'épanouissement réel des
individus.
retour
haut de page
Main
courante : Discriminations
Article
suivant : Sociétés-socialités
ternaires
M-Y
Thomas
Veille
Internet
Transsexuel-lE