Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale d'être bien adapté à une société malade


- Krishnamurti -

à Ramji, chamane

 

Petite intro/diction à l'objet T*

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l'objet de l'Occident conquérant

 

médecine et philosophie occidentales

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l'objet de l'Occident conquérant

 

Une auteure, Christine Le Diraison, écrit sur les Kathoeys (ou Katoys), garçon-fille de la société thaïlandaise qu'elle confond avec les transsexuel-les dans son guide sur la Thaïlande (guide Bleu Evasion de chez Hachette tourisme - p.42).


Sont-ils hommes, sont-ils femmes? Si vous leur posez la question, ils répondront sans hésitation, de leur voix la plus haut perchée, qu'ils appartiennent à la gent féminine. Kathoey ou ladyboys règnent outrageusement sur les nuits chaudes de Bangkok, Pattaya ou Patong. Qui pourrait jurer qu'il ne se laissera pas prendre au jeu du mensonge et de la séduction? Travestis ou transsexuels, les Kathoey sont à ce point installés dans la société thaïlandaise qu'on leur reconnaît le droit de faire figurer deux identités sur leur passeport : l'une masculine, l'autre féminine.
Cette reconnaissance ne fait qu'entériner la grande tolérance qui prévaut en Thaïlande face à l'homosexualité et à ses avatars. Des chirurgiens spécialisés effectuent, sans état d'âme, toute la gamme des prestations demandées pour un changement de sexe partiel ou complet. Ils ont d'ailleurs acquis une renommée internationale en la matière et ne manquent pas de proposer leurs services sur les marchés étrangers. A voir les splendides créatures qui se produisent dans les grands cabarets comme le Tiffany, à Pattaya, on se demande si leurs propres mères seraient capables de reconnaître les fils qu'elles ont un jour enfantées!
Il n'y a pas de honte à se laisser abuser, au moins visuellement : la morphologie des femmes thaïes (finesses des attaches, absence de fesses et de poitrine) tout comme la faible pilosité des hommes rend possible une changement de sexe presque "en douceur". Le Kathoey est souvent trahi par sa carrure, par sa stature supérieure à la norme féminine, par sa pomme d'Adam et, surtout, par sa voix. Il aime à faire preuve d'une excessive féminité, à l'égard tant des hommes ques des femmes. Aussi, mieux vaut se tenir à distance de ce dragueur redoutable…


"Ladyboy" est une insulte de l'argot américain passé dans la langage courant. aujourd'hui, il est l'un des nombreux termes que les intéresséEs, transsexuelles et transgenres, transvestis et queers utilisent. Plus génant, de nombreux médecins, praticiens de la psy utilisent de tels mots pour signifier leur mépris. Ici : les termes outrageusement, mensonge et séduction, confusion entre identité trans et transsexualisme, transsexualisme et homosexualité.

Les kathoeys ne sont ni travestis ni des transexes au sens de la culture binaire occidentale ; ils sont intégrés dans une société et socialité ternaires (de trois genres sociaux - mon article Sociétés-socialités ternaires) dans une société plus complexe et plus riche que la nôtre ; et surtout plus tolérante que l'Occident qui ne connaît d'autre culture qu'elle-même et considère les autres cultures comme des lieux exotiques pour l'industrie touristique. La reconnaisance à part entière des personnes trans (trangenre et transsexuelles) pourrait bien venir justement de la Thaïlande via le canal d'une véritable compréhension de l'ordre du culturel, et non d'une tolérance marchandée.

Les commentaires qui sont faits ici, notamment sur la confusion homosexualité et transsexualisme (relégué au terme d'avatar, sur les "mères qui ne reconnaitraient pas leurs fils" relèvent d'un mépris tel que l'on doute que l'auteure ait jamais mis les pieds dans ce pays et encore moins se renseigner sur une enquête sérieuse sur ce pays et son organisation ethnologique et psychosociologique. L'auteure parle d'une reconnaissance d'une "plus grande tolérance" qu'elle ne connaît pas et dont elle n'a manifestement pas la moindre idée puisqu'elle ne s'est pas penchée sur son sujet.

D'emblée, chaque point peut être analysé tant le fouillis cumulant mépris, ignorance et aveuglement à prétention morale s'ajoutent sans qu'il n'y ait un début de regard sur cette société. Un guide n'a pas, me dira-t-on pour prétention d'analyser une société. En effet. Et ces commentaires en ressortent d'autant plus au moment où l'Occident ne cesse de parler d'éthique et de dignité, de citoyenneté et de responsabilité dans une démocratie moderne.

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médecine et philosophie occidentales

 

 

Une petite introduction sur l'auteur (P-H.Castel) avant de commencer sur un commentaire. Parler en clinicien d’un personnage vivant pose au psychanalyste des problèmes bien particuliers.

Parler en clinicien donnerait-il, comme du temps du vieux "universalisme scientifique", un gage tel qu'il est totalement indiscuté ? Et parler en trans (sexuelle) ? Quel effet, cela fait donc ? L'effet d'y être plongé jusqu'au coup et de s'y connaître mieux que quiconque parce que… gnagnagana ? Je constate qu'il est cet outil du pathos occidental parmi tant d'autres dans cette folie des positions que l'Occident a transformé en un outil statistique et méthodologique de gestion des corps et des existences dans un déni total de la vie humaine en général et de la personne en particulier.


Médecine et philosophie : une histoire du sujet - Discussion organisée par Esprit le 31.03.2003
Groupe Médecine autour de Pierre-Henri Castel, auteur de " La métamorphose impensable". Le texte complet est disponible sur internet sous le titre Médecine et philosophie : une histoire du sujet.

Revue Esprit, http://www.esprit.presse.fr/actualite)


Frédéric Worms : Mais vous ne pouvez vous contenter de lui dire « Vous êtes un pervers ». Vous devez poser le problème moral pour le nommer. Ce qui vous conduit à poser le problème de la perversion : « Votre raisonnement est pervers, je soutiens qu’il pose un problème moral ». Si on ne lui répond pas ça, c’est rentrer dans sa logique.
- Mais cette question reste diabolique. Dès qu’on nous la pose, on perçoit ce que c’est que d’être coincé.
Frédéric Worms : Votre réponse est très classique. Au fond pour moi ce n’est pas un mal. C’est la thèse classique de Platon : « Nul n’est méchant volontairement, mais il peut se tromper sur la nature du bien. C’est un bien pour lui. Personne ne peut viser le mal comme mal ». Tout le problème du pervers, dans ce qu’on entend dans le langage spontané, c’est une personne qui fait le mal en sachant que c’est le mal. C’est cette définition qui est antirationnelle, anti-platonicienne.
- Je vous l’accorde. Sur la question de l’expertise, le degré de connaissance analytique requis n’aura jamais un rapport avec le degré de connaissance empirique du cerveau humain que nous pouvons avoir. L’espace dans lequel les choses se passent est un espace très déplaisant, ce n’est pas simplement l’idée que nous n’avons pas des solutions rationnelles à tout, puisque le réel n’est pas fait pour qu’il nous plaise. Il est très difficile de trouver une manière de pensée qui ne recule pas devant ce supplément de déplaisir qui fait que Dutroux est un humain. On ne peut avancer la solution naturaliste qui dit que tout cela est dégoûtant.


Je sais donc que je fais le mal et cela est un problème moral. Par exemple, pour ma famille qui doit m'accepter ou me refuser. Reste qui va trancher, pourquoi trancher, sur quels critères ? Unanimement, l’écho répond, la cohésion/cohérence, l’évidence du vivre-en-commun… auquel je n’ai pas accès. Moi (en tant que groupe, représentations, individus…) après d’autres groupes minorés/marginalisés/médicalisés.


On ne peut avancer la solution naturaliste qui dit que tout cela est dégoûtant.


Quelle autre solution dit que tout cela est dégoûtant ? La médicalisation du dégoût séparant le sain du pathologique de cette métaphysique philosophique se suffit à elle-même dans une dénonciation tellement intégrée dans une culture qu’elle ne pose justement aucun problème moral.

Ayant posé un raisonnement pervers tel un dogme entendu, l'on peut affirmer que l'on est désormais "coincé". Un juriste ira jusqu'à parler de sa "solitude de chercheur face au problème irrésolu du transsexualisme". Solitude qui ne l'empêche pas d'avoir une vie professionelle et citoyenne : l'auteur publie, donne des conférences, passe à télévision, fait de la radio; acessoirement, a une vie privée.

Entre Platon et Dutroux, il y a désormais le transsexualisme comme filtre et prisme déformant d'une histoire du sujet encadré ici entre philosophie et médecine. Le problème de la "perversité", déshabillé par le combat d'une vision morale contre la société libérale (définie par le désir) et rhabillé par le problème du bien et du malqui entend redéfinir l'éthique et la déontologie d'un espace à définir par l'expertise contre les "docteurs Frankeinstein". Bienvenue donc aux nouveaux barbares.

La distinction entre morale et moralité n'est pas faite ici. Pas plus que le lien entre forme de l'identité individuelle et forme de l'identité collective. On connait la réponse freudienne classique qui postule un nécessaire inconscient collectif, homogène et stable mais toujours menacé, toujours à reconstruire. Cette vision reposait sur la société de Freud et plus exactement sa couche sociale d'origine ainsi qu'une vision universaliste, hétérocentrée et blanche qui gouvernait la société d'alors. Y cormpris dans ses ambitions d'impérialisme. Or, partout où cet universalisme européen découvrait des socialités ternaires, elle analysait une forme "archaïque" de "société efféminée". Et de même, l'histoire de ces sociétés ternaires, incluant les identités trans.

La morale et l'éthique se confondent. La moralité (d'une personne, d'une époque, d'une pensée…) est référée à un ensemble normatif d'us, coutumes, d'habitudes enchâssés. Je fais telle ou telle chose dans la ligne d'une assimilation/intégration me permettant d'agir sans devoir y réfléchir et remettre en cause en permanence ce que je fais et pourquoi je le fais. La moralité n'est pas référée au bien et au mal, comme la morale, mais aux us. Elle dépend des formes admises et acceptées par tous.

On ne peut pas, en effet, se contenter de désigner l'autre comme un pervers au sens où il fait du mal consciemment et inconsciemment. Cette manière revient à dire, vous savez ce que vous faites, vous faîtes du mal autour de vous, vous êtes responsable. Ou, vous ne savez pas, nous le savons pour vous. On gagne à tous les coups ici, rejettant toute forme de regard et de réflexion sur soi et l'impact du transsexualisme sur soi, sa famille, son entourage en ce qu'il affecte la socialité et donc la socialisation. La personne trans sait qu'elle va faire du mal à sa famille (à l'amour, la confiance, les habitudes, à l'orgueil…) mais son devenir en dépend. C'est une question de développement et d'épanouissement, non de perversion. On touche ici à un des fondements de l'universalisme français : sa limite intrinsèque dictée par la loi féodale du vainquer sur les vaincus.

Sur cette phrase particulièrement maladroite, on ne peut avancer la solution naturaliste qui dit que tout cela est dégoûtant, quelle autre solution (Castel la désigne : "en raison") justifierait d'avancer et de légitimer un dégoût ?

Je ne peux me référer entièrement à la morale occidentale issu de Platon et du monde grec. Mes origines, mon parcours personnel, mes options philosophiques, mes voyages, font que mes références morales vont de Platon au bouddhisme, de la civilisation celte à des références contemporaines qui ne sont manifestement pas celles des auteurs cités. Je ne me reconnais pas dans l'essentialisme, à peine lissé du vieux naturalisme platonicien et ne reconnais pas la moralité phobique de quantité de ces avis plus politiques que philosophiques.

 

A ma question adressée à Esprit sur les implications morales du dégoût associé ainsi au transsexualisme, on me rassure immédiatement : TOUT VA BIEN.

Pour l'anecdote, il m'a été répondu "qu'il ne faut se laisser aveugler par le mot "dégoûtant" qu'il ne désigne aucunement des personnes ni des pratiques sexuelles et que l'auteur en outre ne reprend pas à son compte. Au contraire, il serait d'accord avec vous puisqu'il indique qu'il ne faut pas adopter une attitude naturaliste, c'est-à-dire qui voudrait défendre une norme tirée de la "nature", pour juger un comportement sexuel. Il est vrai que le changement de registre lexical, du philosophique au plus trivial en l'occurrence, peut surprendre et créer un malentendu. Mais n'y voyez cependant aucun encouragement à quelque persécution que ce soit."

On est ici au comble de l’hypocrisie. Interroger des savoirs lorsque l’on est trans, c’est sûrement parce que l’on se sent persécuté.

Une norme tirée de la nature n'existe plus depuis que l'humanité se constitue en société et en civilisation et non plus en tribus totalement dépendante de la nature. Cet argument infantilisant botte en touche. Nous n'avons pas à juger un comportement social ou sexuel s'il ne menace personne. Cette morale sexuelle érigée en scienta sexualis relève de la discrimination pure et simple.

C'est ce que je disais : oyez peuple trans, tout va bien, la Rép Publique s'occupe de vos fesses.


Revue Esprit/Ma réponse


Pas vu/pas prit ou le régime de l’impunité érigé en système gestionnaire

Malentendu, certainement pas. Aveuglement, en effet, oui. L’encouragement à la persécution n'existe que dans votre esprit. Plus que jamais, ce type même de réponse nous renvoie à l’autonomie politique et personnelle. Notre interrogation portait sur le terme de dégoûtant enchâssé dans ce nouvel habillage du bien et du mal qu’est ce duo raison/déraison. Nous optant clairement ce second terme comme espace politique d’autonomie. Considérant la teneur de ce mail :
- vous ne connaissez manifestement pas le dossier et laissez dire un propos extrêmement grave ;
- vous connaissez le dossier et savez par expérience (Esprit ayant publié un article sur le livre de Denis Salas) que ce sujet est difficile.
Et donc, avant tout un sujet de carrière/sensationnalisme. C’est peu dire, botter en touche n’est pas jouer. Le trivial dont il est question dans cette supérette autorise des gens à discriminer, voire assassiner (Boy dont cry), au seul nom de ce dégoût que la revue Esprit assume publiquement en le publiant. Sur ce sujet lui-même, je ne me dérange qu’avec des gens compétents. Nous savons pertinemment qu’il ne s’agit pas d’une attitude naturaliste, indéfendable, mais d’une morale sexuelle phobique destinée à justifier pouvoir gestionnaire et appropriation des corps. Vieux conflit sans débat, jamais fermé. Mon propos se porte uniquement sur le lien à un criminel pédophile. Sans cette gravité, je ne me serais jamais dérangée.
Il va de soi que nul ne sera responsable en quoique ce soit d'une" persécution" (qui serait défendue et justifiée au nom de la morale contre le problème de la perversion), d'une agression ou d'un viol, moins encore d'une meurtre perpétré sur une personne travesti/e, transgenre ou transsexuel-le.

 


Je signale pour le débat la présentation de ce site, proposé par des médecins : http://www.transsexualisme.info.


Le transsexualisme est une maladie authentique, qui est infiniment pénible pour la personne qui en est atteinte, et qui justifie donc une prise en charge médicale.
Malheureusement, beaucoup d'idées complètement fausses circulent au sujet du transsexualisme (…) confondant grossièrement tous les troubles de l'identité de genre (…).
Depuis l'arrêt de la Cour de Cassation du 11 décembre 1992, le transsexualisme ne pose plus vraiment de problèmes juridiques en France. A nos yeux de médecins, le transsexualisme est une maladie, et non un objet de luttes politiques, polémiques ou idéologiques (…).
Réalisé par l'équipe des médecins et des chirurgiens qui, dans la région parisienne, prend en charge le transsexualisme depuis 1978 (environ 700 patients traités et suivis depuis cette date), ce site a pour but de fournir au public des informations réalistes sur le diagnostic et sur le traitement actuel de cette maladie troublante
.

Ce qui va suivre est précisément cet objet de luttes entre compétences et prétention de responsabilité confondant grossièrement les personnes indiquées comme du reste, les praticiens non in-formés. Une psychiatre me répond ainsi qu'elle doit enir compte du fait que ses collègues paffirment qu'acquiécer à une telle demande, c'est rentrer dans le délire et montrer le sien ou à tout le moins, valider la faillite de la raison.

Remarques

- Le cadre et les conditions d'aide à une personne et le mode de résolution apportée sont subordonnés à des vrais subjectifs, ininformés ;

- Vieille antienne morale qui avait servi à discriminer l'homosexualité ou toutes autres "pratiques", prétenduement contraires à la morale sexuelle, ne relevant pas de la procréation.

Le véritable sujet est indiqué ici : les troubles de l'identité de genre. L'on se persuade que l'identité de genre se construit sur la réalité biologique (le lien ou coïncidence sexe-genre), reconstruit conceptuellement en un "réel de l'identité". Qu'est-ce que l'on "analyse" ici ? Un raté du binarisme ? Un objet absent et donc "troublant" l'infaillibilité d'un modèle ? Ladite maladie troublante s'analyse pour l'essentiel à l'aune d'un modèle de société binaire et d'une théorie naturaliste en découlant.

Je retiendrai ici une métaphysique des sciences qui tend à analyser le mythe de Frankeinstein « à la lumière du transsexualisme ». On liquide ici la révolution intellectuelle et politique beauvoirienne du devenir sans oublier la philosophie des rhizomes de Gattari et Deleuze, l'ouverture philosophique de Foucault, le constructionnisme politique de Wittig et le constructionnisme sociologique de Butler.

 

Au total, l'objet T se révèle le nouveau yoyo médiatique d'auteurs très intéressés par la politique.

 

 

Maud-Yeuse Thomas
Veille Internet Transsexuel-lE

 

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