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Travail de notes
sur l'article de P-H. Castel
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"Le transsexualisme est un syndrome complexe,
dont l'appartenance même à la pathologie a été,
au terme d'un processus que je voudrais retracer, remise en question
avec plus ou moins de succès. Il se caractérise par
le sentiment intense de ne pas appartenir à son sexe anatomique,
sans par ailleurs manifester de troubles délirants (l'impression
de subir une métamorphose sexuelle étant banale dans
la schizophrénie, mais dans ce cas, elle est accompagnée
d'hallucinations diverses), et sans bases organiques (comme l'hermaphrodisme,
ou une quelconque anomalie endocrinienne). (…) Que le "genre"
puisse le moins du monde paraître une notion plus claire que
celle de "sexe" consacre
le triomphe en psychiatrie d'une conception sociologique particulière
de l'identité, et à soi seul, ce fait exige une mise
en perspective. (…) Désormais, la liberté de
choisir son sexe vient au premier plan, comme possibilité
de "construire son identité" sexuelle (…)
accompagnée d'une dénonciation des obstacles à
ce choix qui mobilise à des fins militantes, souvent avec
bonheur, les instruments habituels de la critique des préjugés
(comme la sociologie comparée, qui a justement mis l'accent,
dans le féminisme récent, sur la distinction entre
le "genre" socioculturel et le "sexe" naturel,
ainsi que divers arguments biologiques qui relativisent le "dimorphisme"
homme/femme).
Faire l'histoire du transsexualisme au 20ème siècle,
à la charnière de l'histoire des idées, de
la médecine, et des mœurs, est donc une tâche
encore largement devant nous, tellement les questions préliminaires
de méthode semble se radicaliser devant la singularité
de l'objet, et la difficulté de savoir de quoi au juste on
fait l'histoire. A l'évidence, décider qu'on ne doit
ici faire que l'histoire des représentations, dans une veine
foucaldienne, serait déjà prédéfinir
l'objet pour l'ajuster à l'idée qu'on se fait de l'histoire."
-
Où il est question de l’absence totale de symptômes.
Qui décide ici de l'appartenance même
à la pathologie ? Toutefois, d’emblée, la définition
est négative : de ne pas appartenir à
son sexe anatomique, alors qu'il est clair qu'il s'agit du sexe
social (ou identité de genre, femme ou homme en tant que médiation
dans le champ humain global) dont on parle. D’emblée et pour
situer le sujet, plusieurs remarques nécessaires.
1 – Si l’on
devait faire l’histoire du transsexualisme avant le 20ème
siècle, il nous faudrait à peu de chose près
changer de planète. Prendre à témoin le transsexualisme,
un objet peu ou prou totalement indiscernable dans la société
globale, revient à placer, par exemple, l’entomologie
comme modèle référent de la science occidentale
et de la raison. Tout ce qui va suivre découle de ce grossissement
; or la raison n’est pas une position/situation de surplomb
(comme l’avait été la religion) mais une discipline
;
2 - L’on a, en gros, une bulle d’une conception sociologique
générale (ou universaliste) de l’identité
et une conception sociologique particulière de l'identité
de la psychiatrie transsexualiste, co-produisant une sous-catégorie
d’individus, qui de cette particularité à ladite
maladie, est devenue leur identité à part entière
;
3 - La confusion entre deux concepts, l’individu et l’identité
oeuvrant une même réalité « composant un
univers de déterminations sociales individuellement incorporées
» (J-C. Kauffman, L’invention de soi), est très
préjudiciable. Après avoir posé que le transsexualisme
ne relève pas de la psychiatrie, il est postulé qu’il
relève de la psychanalyse sans que ce titre ne soit en rien
préciser d’aucune manière ;
4 - On discute ici d’un dogme reposant sur la société
traditionnelle sur lequel il n’est pas question de revenir,
semble-t-il ;
5. Le thème
de la relativisation, présenté comme une menace
n'a cessé d'être agité sous les nez…
Préalable
Ne
pas appartenir à son sexe anatomique signifie que cet
enfant, du fait même de la transmission de genre l'obligeant à
un sexe social opposé au sien propre, se retrouve dans une situation
d'une appartenance de genre qui lui est étrangère et qu'il
doit acquérir par un mécanisme autre que le sentiment
d'appartenance et de reconnaissance implicite. Le mécanisme impliqué
est donc celui de l'apprentisage par coeur et du pur mimétisme,
d'où le profil de personnes rarement à l'aise quelque
soit la situation et ayant le sentiment de jouer et-ou de n'être
jamais à sa place.
Ce faisant, il
se voit en train de composer un rôle de la hiérarchie binaire,
et seul l'assentiment d'autrui lui indique si le comportement est adéquat
ou non. On me permettra, pour le moins ici, de douter quelque peu des
semblants de thérapie qui, sous la plume d'une Chiland prétend
guérir un enfant en convoquant leurs parents. On est à
quelques lieues ici de l'incorporation. La violence du déni qui
leur est opposée dans ces textes tiennent de la maltraitance
théorique (T. Reucher). Le cadre binaire indiscutée et
le silene sur ces maltraitances permet la conitinuiation de ces mdoèles
dans la plus parfaite impunité qui repose sur une idée
d'un "bon sens commun" ou l'évidence de ce que nous
connaissons tous et toutes et, par ailleurs, de l'étiquette plus
ou moins prestigieuse de sciences.
De la liberté…
Première confusion engageant une discussion. La possibilité
de choisir son sexe est placée avant
la possibilité de construire son identité, alors qu’il
est clair que c’est cette dernière qui construit le sentiment
d'appartenance à un groupe de sexe social auquel l'enfant se
sent appartenir, tant du point de vue de son histoire personnelle que
du point de vue de ses affinités. Choisir son sexe : si cette
expression à un sens, c'est à l'âge de la conscience.
Le point de vue dogmatique qui domine ce sujet en France engage le propos
sur une individualité adulte, évacuant la construction
inconsciente depuis l’enfance. Toutefois, sans l’offre sociétale,
le changement en lui-même est non seulement impossible mais dans
une certaine mesure impensable sans une tradition sociétale.
Or, celle-ci n'existe pas. L’Histoire aura gagné cette
première manche aisée face à cette rupture dans
l’enfance entre ce qui se construisait personnellement chez cet
enfant, et ce qui ne s’est pas fait dans le lien filial [c’est
le sujet de Ma vie en rose, d’Alain
Berliner]. D’où ce besoin de reconnaissance aigu que certains
appelle une maladie narcissique [C.Chiland]. Mais placer et admettre
la possibilité de construire son identité sexuée
doit admettre au passage la perméabilité de la frontière
des genres et éventuellement des sexes. Paradoxalement, c’est
le transsexualisme qui fait émerger ce passage et l’identité
transgenre moderne qui s'y installe.
Quant la difficulté
de savoir de quoi au juste on fait l’histoire : le dimorphisme
homme/femme a créé le dimorphisme sociologique sans place
aucune et donc sans droit pour ces personnes en-dehors de ce régime
biosocial. Il n’est pas question ici de refaire l’Histoire
et ne concerne que ces histoires que les humains se jouent, font et
défont. Toutefois, et à partir de ce préambule
historique, il est patent que la discrimination et la stigmatisation
sont au cœur de ce dimorphisme sexopolitique. C'est la stigmatisation
dans l'analyse de la maltraitance théorique qui est clairement
remise en cause dans la psychiatrisation obligée.
Les nuances que
l’on aurait pu supposer entre ces deux pôles sont gommées
et de toutes façons peu ou prou inexistantes dans la société
réelle et ne relève pas du transsexualisme. Ne pas appartenir
à son sexe anatomique suppose une appartenance entière
au seul sexe anatomique. C'est l'appartenance qui définit le
sexe vécu et non l'inverse. Le transsexualisme rejoint ici toutes
les identités.
…à
l'égalité obtenue de haute lutte
L'invisibilisation des préjugés est directement mis en
face de la « liberté de choisir son sexe », notion
se rattachant au transsexualisme moderne et à une certaine modernité
libérale. Maintes féministes en viennent à hurler
contre cette féminité impossible [des transsexuelles]
réinstaurant cette symétrie figée, tout en visant
la « féminité perdue » des FTM (transsexuels
femme-vers-homme] et faisant l’impasse totale de l’égalité.
Où l’on obtient une égalité sous condition
sociale sous caution au régime biosexuel, tout en prétendant
réfléchir éthiquement et philosophiquement de liberté
chèrement acquise [et ne concernant que ceux et celles qui ont
lutté ?]. Cette curieuse défense d’une féminité
volée n’est pas seulement absurde, indue et illégitime,
elle brouille ce sujet difficile. Les femmes savent, en effet, que la
féminité est un objet hautement performatif et surtout,
cette psychologie totalement construite que l’on peut, en un sens,
voler et surtout violer. Et ainsi, Agacinski (Politique des sexes) :
« Les femmes savent qu’elles sont travesti-es ». tout
en professant une identité de sexe essentialiste, clairement
hétérosexuelle. Les femmes et les hommes le savent-ils/elles
en règle générale ? On est en droit de se poser
quelques questions [in]délicates sur ce sujet, en effet hautement
performatif. En règle générale, personne ne se
pose cette question, qui n’arrange d’ailleurs pas. Cet inarrangement
est pris à témoin [et pour référent] et
non les transsexuel-les dans leur transgression et leur conformité…c'est
dire que d'un auteur-l'autre, l'on retrouve surtout des options personnelles
enchâssées dans un discours savant et-ou moral.
L'exclusion
même sous la logique de l'exception
Les transsexuels seraient bien les seuls à disposer d’une
telle liberté dans un tel faisceau de renforcements croisés
rendant leur présence totalement improbable, et présents,
les excluant du champ humain global.
La bisexualité
psychique qui devait rendre compte de leur éventuelle [et très
théorique] présence est liquidée au nom que, la
médicalisation chirurgicale l’a coiffée au poteau
[la fameuse « solution élégante » de Lacan
à une insoluble résolution]. Il n’y avait qu’une
seule catégorie qui pouvait historiquement se construire son
identité sexuée et sexuelle : les hommes. Or, c’est
de ce lieu que surgira la fracture première et décisive
pour cet enfant. Désormais chacun peut/pourrait [mais ne le fait
pas nécessairement] construire son identité. Sauf cette
sous-catégorie pathologisée et ré-intitulée
par certains "refoulement/refus de l’homosexualité"
ou "homosexualité extrême".
L’on cherchera
vainement ici une bisexualité psychique s’exprimant au
sein de la famille, ce moyeu social central face à l’Etat
dispensant normes sociales et exceptions identitaires. Paradoxalement,
ce sujet trouve et gère sa solution au travers de l’Etat
dans le suivi et la résolution administrative et juridique de
sa nouvelle identité. Mais cette résolution évacue
le problème de l’identité de genre en-dehors de
ces sujets qu’elle psychiatrise pour des raisons de stratégie
d'exception. Cette non-résolution sociale, notamment du travestissement
et le choix afférent de choisir son sexe social, va prolonger
indéfiniment cette problématique dans une résolution
chirurgicale pour les identités trans' et intersexes. Ceci n'est
pas vrai pour les identités transgenres se construisant un espace
social distinct mais, du coup, triées du suivi des équipes
dites officielles.
Le choix personnel du sexe fait penser au choix des parents du sexe
de leur futur enfant que permettrait le même corps médical.
Ce qui intéresse ici est une société abstraite
de valeurs et des certitudes ancrées sur une linéarité
sociohistorique et processus où le terme même d’identité
à soi n’a de sens que dans son ancrage traditionnel. C’est
comme si je voulais expliquer la société moderne avec
l’outillage historique des siècles passés. Le second
axe est celui d’une discussion sur le « moi » en inadéquation
avec ce qui précède. Ainsi, il a suffit de divers arguments
biologiques pour relativiser le dimorphisme sociohistorique homme/femme.
Ce qui indique la provenance théorique : l’essentialisme
ou la théorie du sexe de naissance procréatif dans le
cadre cité. Un tel dimorphisme relève de la division biologique,
mâle/femelle, non de la division psychosociologique homme/femme
s’exprimant sur une échelle des identités et comportements.
Nous avons déjà
quitté les sciences humaines et la philosophie pour une éthologie.
Un détour surprenant permettant de contourner le fait que le
constructivisme prend appui sur l’essentialisme. Il n’est
nul besoin d’introduire ici divers arguments biologiques, ni dresser
un inventaire d’un « positivisme biologique » afin
de réifier ou relativiser un dimorphisme homme/femme, sexe/genre.
Ce volet n’existe pas ici : c’est ce qui caractérise
son abord et c’est en cela qu’il est cet extrême paradigmatique.
Le fumeux éclairage que viendrait appporter le "transsexualisme"
n'est rien d'autre que le vieux et maladif besoin d'être normal.
Ou "normal". C'est selon.
"Aussi, plus modestement, je voudrais ici
juste introduire une chronologie préliminaire des textes et des
faits les plus marquants dans l'émergence de ce problème
médico-sociologique, en suggérant une autre ligne d'analyse
(…) liée à ses conditions idéologiques d'affirmation
dans le champ social et scientifique. (…) Cet ennemi, c'est la
psychanalyse. (…) Pour montrer l'incidence de cette polémique
anti-psychanalytique sur la structuration du transsexualisme (…),
je propose d'en périodiser l'histoire scientifique et culturelle
en quatre phases.
* La première nous fait remonter aux origines de la sexologie,
chez Magnus Hirschfeld, origines indissociablement scientifiques (avec
une ambition taxinomique positiviste) et militantes, puisque la dépénalisation
de l'homosexualité en a toujours été le but (but
consciemment poursuivi ; car c'est un des buts des promoteurs de la
sexologie naissante, qu'ils aient été eux-mêmes
homosexuels, ou qu'ils aient rejeté les préventions de
l'époque contre l'homosexualité). Le détournement
freudien de la sexologie, pour les motifs qu'on va voir, leur a toujours
paru infléchir leur effort dans un sens étranger à
leur projet.
* La deuxième phase accompagne le développement de l'endocrinologie,
qui est un des faits d'armes de la médecine scientifique entre
les deux guerres. Elle voit la naissance de ce que j'appellerai ici
le " béhaviorisme endocrinologique ", qui d'emblée
va tenter de faire pièce à la psychanalyse. Il a fondamentalement
préparé l'opinion à accepter la plupart des thèses
sociologiques soutenues après 1945 sur l'identité sexuelle,
et qui vont rendre possible le phénomène transsexuel.
* La troisième phase, qui court de 1945 à 1975, est la
plus riche en événements. La tradition américaine
de sociologie empirique et sa théorie de l'influence déterminante
du milieu va conduire plusieurs chercheurs à explorer conjointement
la question de la socialisation des hermaphrodites, des individus génétiquement
anormaux, des très jeunes enfants mâles aux organes génitaux
accidentellement mutilés, et des transsexuels. (…) La psychanalyse
américaine, médicalisée à outrance, marquée
par le culturalisme, a paru alors impuissante à éviter
de servir de caution à la sociologie du genre, et a perdu la
bataille, ne parvenant pas à défendre, pour des raisons
épistémologiques fondamentales, le caractère pathologique
d'un trouble de l'identité sexuelle purement subjectif.
* La quatrième phase s'ouvre, au milieu des années 70,
avec la revendication libertaire d'une dépathologisation radicale
du transsexualisme, et l'idée que c'est l'identité sexuelle
elle-même qui est un préjugé et limite la liberté
individuelle. Le rejet de la psychanalyse atteint alors un tel degré
que l'idée même d'une solution psychothérapeutique
au transsexualisme n'est pas loin de passer soit pour une fraude, soit
pour un liberticide. "
Aussi, plus modestement, je voudrais ici juste
(dire) que l’ennemi, c'est la psychanalyse… et ce
discours antipsychanalytique.
Au fond, ce sujet émerge de cette bataille subjective d’idées,
entre empirisme et scientisme, permettant une réification d'un
trouble de l'identité sexuelle purement
subjectif en pointant une fraude,
ou un obstacle liberticide. On lira ici utilement la thèse
de Gayle Rubin et Judith Butler, la Panique sexuelle (Ed. Epel), ou
comment le cynisme, justifie la limitation des libertés élémentaires
dans une égalité fondamentale inscrite dans la constitution
démocratique en agitant peurs et phobies et désignant
des boucs-émissaires dernier cri, passant de la spectaculairsation
orchestrée par la société du spectacle (promptement
dénoncée) à une spectralisation des mêmes
sujets les plus en vue, c'est-à-dire selon les critères
idiots de l'époque : à-la-mode. Vous voulez changer de
rôle, de corps ou de vêtement, de sexualité ou de
statut, de camp ou de monde, d'histoire perso ou de look, changer de
sexe.
On prolonge ici
la vieille tradition sophiste des cyniques. Le fait, en soi, est tellement
banal, qu'il a lui aussi, sa tradition propre.
Autre étonnement,
aussi peu suspect de tout préjugé aujourd'hui :
l'identité sexuelle elle-même qui est un préjugé
et limite la liberté individuelle. Cette morale destitue
l’idée même d’éthique au nom d’un
rationalisme triant les uns et les autres ; elle a d’ailleurs
perdu son pouvoir [de dire la vérité et donc la symbolisation]
de la même façon qu’elle l’avait gagné
éthiquement en luttant contre les préjugés et les
confiscations des libertés individuelles. Réduire le culturalisme
à la médicalisation, et réciproquement, peut en
effet se déprendre d’une version simplifiée d’un
béhaviorisme pour une poignée de marginaux. Il n’y
a donc pas assez de place pour chacun ?
Le terme de «
perversion » utilisé tout au long de ce texte est ambigu.
Je n’en donnerai que deux définitions. Freud l’avait
désignée comme un comportement sexuel sans lien avec la
procréation. Stoller le définira comme un comportement
qui vise à faire du mal à autrui et en particulier aux
plus faibles et vulnérables. Ce qui correspond à la définition
donnée par Tom Reucher sur la maltraitance théorique que
l'on fait subir.
L’enjeu
des définitions et positions
"Comme on voit au titre, il n'est alors pas
question de séparer le transsexualisme (le mot figure d'ailleurs
enchâssé dans l'expression "transsexuel psychique")
de l'ensemble des perversions, mais plutôt, d'une part, de séparer
des formes d'homosexualité, et d'autre part d'établir
que le transvestisme n'est pas une pratique spécifiquement homosexuelle,
en vue de détruire l'homogénéité apparente
de la catégorie d'"actes contre nature" (…) [et]
(…) naturalise avec une force rhétorique irrésistible
ce qui pouvait aussi bien paraître relever du simple vice moral.
(…) La stabilité formelle et la régularité
anhistorique des perversions dédouane du coup a priori les pervers,
pour qui sait lire, d'une responsabilité quelconque : s'il n'y
a pas d'"actes contre nature", c'est parce que la nature est
partout présente même dans ses manifestations morbides,
et que l'acte est imputé conventionnellement par la justice pénale,
là où l'on a avant tout affaire à des impulsions
irrépressibles. Il est évident que l'impossibilité
de donner des limites au licite et au défendu qui reflètent
un quelconque découpage objectif des comportements humains est
déjà à l'œuvre chez Krafft-Ebing, Moll, Ellis
ou Hirschfeld. C'est un procédé de relativisation d'abord
innocemment épistémologique, mais finalement éthique,
constant dans tous les travaux sur la perversion ; le "constructivisme
social" actuel n'a fait que le radicaliser. (…) de donner
librement la parole aux malades, et de respecter leur vécu subjectif
pour ce qu'il est, dans sa "nécessité fatale propre."
Le procédé de relativisation d'abord
innocemment épistémologique, mais finalement éthique.
Ethique ? Cette dénonciation permanenten'a cesse de masquer la
discrimination en agitant des hochets politisants. La
parole aux malades est partout un facteur de progrès afin
de déterminer les problèmes et d'apporter des solutions.
Puisque les pervers
[sexuels ?] relèvent de cet acte contre nature [sexuel ?], le
vice moral (les crimes sexuels de Dutroux donc?) pouvait les ramener,
de force si besoin était, à la justice chaque fois qu’ils
se dérobaient à la morale… On a un peu de mal à
suivre ici. Et ainsi, de conclure (?) : «
Un transsexuel est-il un délirant dont la seule manifestation
comportementale facile à objectiver est l'espoir de changer de
sexe ? Ou est-ce une personne qui émet un souhait non-pathologique,
mais accueilli par la société de façon telle qu'il
tombe parfois mentalement malade ? ».
Traduisons pour
la forme : un consommateur lambda est-il un délirant en schant
tous les dégâts désormais patents sur la planète
et les autres sociétés ? C'est dire que ce régime
d'asssimilation a besoin d'agiter sans cesse des fantômes.
Voyons le détail.
Accueilli par la société
? Par qui ? Les contrôles permanents de psy autoproclamés,
la discrimination, les ruptures familiales ?
Cette belle phrase
en oublie les enfants, nie la discrimination en la courtournant et la
retournant contre les plus faibles. L'incurie assimilationniste a ceci
de précieux qu'est est cultivée, payante et savante. Ceci
aurait dû permettre de dégager quelques hypothèses
sur le devenir de ces personnes, mais ce n’est pas le cas. La
bonne question aurait nécessité d'une solide enquête
longitudianale qui n'existe pas en France car seuls les cas les plus
visibles sont les plus fragilisés (en dehors des militants politisés
et des scientifiques trans)
Pour le dire du
mot d’une psychanalyste, C. Chiland : la
psychanalyse n’a pas l’habitude de céder à
ses patients.
La psychanalyse
de Chiland n'en finit pas de ridiculiser une démarche d'aide
à la difficile condition humaine. Une perle assurément
tant la phobie égare de son propre aveu et sur lequel le silence
sous la prétention de compétence est devenu chappe de
plomb. Les véritables praticiens travaillent en silence quant
à eux, loin de ce narcissisme intellectuel.
On ne peut mieux
dire d'une discipline cherchant une nouvelle place dans le cadre de
la médecine. Survisibles au moment de leur trajectoire, ils sont
l’objet de ce que chacun redoute, l’humiliation en public
propre à destituer toute socialisation. Chacun se faisant qui
le défenseur, le juge et le porteur de bonnes valeurs que l’individu
n’aurait qu’à endosser tel un habit neuf. La dimension
symbolique manque à ce sujet, tempêtent cette expertise
moraliste. En effet. La charge symbolique que véhicule cette
destitution publique ou, à l'inverse, le courage de briser des
chaînes, vaut pour l’exemple d'une épreuve que peu
veulent ou peuvent passer. Syndrome du sacrifié garanti propre
au christianisme. Et en effet, celui-là (celle-là), toujours
isolée, tombe "malade". C’est dire que rien n’a
été réglé ce que Castel appelle le respect
de leur vécu subjectif promptement balayé dès
la parenthèse fermée.
Les femmes ont été
victimes de la même absence de respect et se fourvoyant aujourd'hui
dans un assimilationnisme respectueux au nom de la parité politique
et-ou de l'égalité indifférente aux sexes…
tout en professant la différence des sexes (Agacinski, Badinter…).
Comprenne qui pourra.
Le ré-enchâssement
de la question trans' et intersexuel au psychique attendait sa réponse
par la porte de l'appartenance positive dans la société
et non une simple identification à un sexe social garanti sur
facture et selon des caractéristiques qui… Chacun se guettant
dans une méconfiance virant à la méfiance paraoïaque.
Voyez ces trans qui se déguisent et désormais, transformés
en femme ou en hommes, invisibles et ananoynmes (votre boucher, votre
boulanger, ironise d'un ton badin et irnoncent Catherine Millot dans
son opuscule Horsexe), peuvent vous duper…vous tromper…Ca
ne vous rappelle rien ? Cetet dénonciation badine fleurte avec
la création sur mesure d'un profil juif par les antisémites
de tout poil.
La résolutionde
la question trans advient avec la résolution chirurgicale et
juridique en l'absence totale de place et de respect. Cette résolution
est pourtant celle du modèle des interventions sur les personnes
intersexuelles pour les faire correspondre à l'ordre symbolique
binaire homme/femme. La question sociale intervient en fin de parcours
avec la solution de la jurisprudence le réenchâssant dans
le social via l’intégration et l’anonymat administratif
alors qu’elle aurait dû commencer par là. Or, la
psychiatrie a maintenu en permanence l’idée que le changement
de papiers était également thérapeutique, intervenant
après les interventions et renaturalisant si besoin était,
la fonction liante et symbolique de l’identité administrative
en postulant une « pathologie » que Castel croie réclamer
contre ces mêmes psychiatres dans une politique du dos-à-dos
dont il croit être l'arbitre.
La question psychique
est restée en suspens et c’est cela que l’on prétend
traiter en pointant l’aspect symbolique en lieu et place du lien
social réel. Or, le transsexualisme est un sujet hautement social
puisque la division sexuelle est sociale. En l’individualisant
par la pire des méthodes [l’oubliette ou comment refaire
le transsexualisme au 20ème siècle], cette individualisation
à effet-gouffre a nié et oublié que ces sujets
[sociaux] dans leur souffrance, allaient se cristalliser dans cette
forme subjective faute de relation intersubjective normale et saine
dans un sexe social d'élection. Et ainsi :
(…) Au contraire, Freud fut très
tôt perçu comme le promoteur d'une nouvelle normativité
hostile aux intentions libertaires des sexologues, parce qu'elle jetait
par dessus bord la neutralité descriptive, et postulait des mécanismes
psychiques à l'origine des perversions. (…) Or quelles
que soient les mises en garde et les précautions de Freud, son
sens aigu de l'inutilité de condamner médicalement l'homosexualité,
il est patent que ses théories enveloppent bien une norme hétérosexuelle
"œdipienne" propre à susciter une telle inquiétude.
(…) Mais c'était, là encore, au profit d'une idée
de l'homme, pas une idée de la liberté. Il y avait donc
là en germe un désaccord sur la question de ce qu'est
« scientifiquement » le sexe, désaccord qui ne cessera
plus de s'amplifier.
On voit mal ce qu’un sexe scientifique
apporterait dans un tel contexte entre ces deux idées si parfaitement
posées ici. L'auteur est ce point perplexe qu'il se perd en conjectures.
Comme si le travestissement [cet objet libertaire, pervers, un vice?]
n’était finalement qu’un esquif sur l’eau du
bain social. Inutile donc de se pencher sur cet objet "hautement
performatif" selon les termes même de Butler (Trouble dans
le genre).
Le féminisme
et le mouvement homosexuel se sont dressés unanimement devant
la même répression siliencieuse, refusant ce Continent
noir parlé par autrui engageant des générations
entières. Clairement, c’est le tour des identités
trans*, ce nouveau label. Tout en évitant le problème
dans un raccourci fulgurant : Freud avait prédit théoriquement
la bisexualité psychique. Et la bataille théo-logique
qui s’ensuit serait au seul bénéfice de délirants
et de libertaires qui auraient dû se glisser dans la peau de cette
bisexualité psychique à tout point de vue abstraite et
théorique ? Que deviennent le statut et la conceptualisation
de trangendérisme et de travestissement dans la population globale
? Certains n’hésitant nullement à cette condamnation
médicale, par exemple Pierre Legendre, au nom de « l’humanité
des jeunes ». N’est pas Deleuze et Guattari qui veut ; où
la théorie naturaliste ou créationnaliste ressurgit.
Le sexe
roi
Or, dans les années 20 et 30, la progressive
découverte des hormones, et l'alternative biologique qu'elles
offrent à la théorie de la libido, de la bisexualité
psychique et du choix du rôle sexuel selon l'Œdipe, va susciter
un engouement extraordinaire tant chez les savants que dans le public.
(…) Grâce aux hormones, l'anormalité des conduites
et des sentiments devient une question de dosage sanguin.
On évacue ici un naturalisme trop évident pur une métaphysique
philosophique etéthique. Vous êtes un homme si vous avez
une bite, une femme si vous avez un vagin… Trop simple puisque
c'est ce que "réclament" désormais ces déviants
stéréotypés et hyprabinaires. Or, c'est ce qui
a conduit de prétendues thérapies à hormoner les
intersexuels et les homosexuels pour les transformer en hétérosexuels.
Bref, orientation sexuelle=identité en remplacememt du dogme
naturaliste corps=identité.
Grace aux homones,
les intersexuels sont devenus des femmes et des hommes entre virilisme
et féminité du moment qu'ils se situent admistrativement
dans un sexe social. Castel n'élève aucune voix ici. La
mutilation des intersexuels s'intéresse personne. La mutilation
des homosexuels hormonés pas plus. Ceci posé, quantité
d'homos comme d'hétéros sont transphobes et nombre de
trans sont homophobes et biphobes.
Ailleurs, on prend
à témoin (Mercader, Chiland) pour séparer socialement
les uns des autres. Le modèle politique de la famille comme noyau
et moyeu de la société a liquidé la bisexualité
psychique en gommant, comme avec le transsexualisme, la dimension psychique.
Or, en la gommant, l’on a privilégié le binarisme
biosexuel et lui seul dans un figement des rôles du sexe social
(et non du seul genre puisque le sexe social condense et cristallise
le sexe et le genre, le statut et le rôle, dans une unicité
subjective et sociale) qui va prendre toute son autonomie. La peur de
la féminisation, présente dans toutes les sociétés
patriarcales est surtout une peur du contrôle, voire de la perte
du pouvoir. Sans parler du dégoût que la féminité
suscite à maints hommes alors même qu'ils ont directement
contribué à ce dégoût. Curieuse application
d'une performativité du genre que l'on applique à autrui
et dont on ne voudrait pas pour soi. Significativement, un homme se
parant de cette féminité (androgénité selon
Castel) quitte le statut-identité d'homme pour la sous-catégorie
de travesti que l'on peut humilier en toute impunité.
La bisexualité
psychique à cet égard, fait plus peur que la bisexualité
proprement dite, car elle contient la peur de la féminisation,
réelle, fantasmatique ET symbolique, y compris chez des féministes
dans leur peur d'un retour d'une féminité incontrôlable,
car contrôlée par les hommes… ou des transelles…
L'immaturité intellectuelle au service d'une morale sexuelle
régressive … L’alternative bio-hormonale va exclusivement
dans le sens qu’on lui imprime/dicte. Notre société
ne contient aucune sorte de tradition [même larvaire] qui aurait
permis ladite bisexualité psychique de vivre et de suivre son
cours dans une identité transgenre (ou autre). Mais c'est cela
même qui provoque peurs et contrôles préventifs.
On convoque ici un objet absent censé occuper une place que le
transsexualisme revendiquerait. Or ceci aurait permis cette émergence
sous des conditions sociétales distinctes du transsexualisme
moderne [la médicalisation chirurgicale par la porte de la marginalité,
la souffrance isolée et autoanalysante]. Au lieu de cela, solitude
précoce, déchirure à la puberté, isolement
douloureux à l’adolescence. On est à mille lieux
du modèle libertaire et en plein dans la période post-pubertaire
dont la psychiatrie-psychanalyse n’a cessé de nous dire
qu’elle était la période de tous les dangers. Sauf
de celui-ci ?
Le transsexualisme ou le champ de course
Nombre d’auteurs transsexualistes affirment avoir guéri
ou trouvé des sources de guérison de transsexuels par
la voie de la psychothérapie (C. Chiland). L’autoguérison
intervient parfois pour les personnes la demandant impérativement
et si guérison il y a, c'est de leur fait. J'appellerai cela
plutôt du refoulement et rien ne garanti un retour. Ce qui est
le cas pour un certain nombre de personnes au bout de 10/20 ans. Quant
aux autres personnes ? psychanalyse ou champ de courses ?
On oublie ici que
l'on se prétend médecin et qu’il s’agit de
soulager des souffrances ou d’aider des personnes à trouver
leur voie propre, y compris dans la transgression des codes et us d’une
époque?
En creux, la question du genre. Décollé du sexe, le genre
n’a aucune validité selon cette théorie. L’hérésie
[freudienne] dénoncée (Mercader, L’illusion transsexuelle,
Chiland, Changer de sexe, H. Frignet) n’est pas nouvelle. Toutefois,
la question sociale, non traitée, a laissé ce sujet en
suspens. Aujourd’hui, c’est la question sociale elle-même
qui est en suspens avec ce sujet. Sans compter la théorie de
l’Œdipe, que ces sujets ne passeraient pas, et provoquerait
[donc ?] ce curieux syndrome en surplomb ou ce surplomb en un curieux
syndrome social à l’aune de la différence des sexes.
Mais il ne l’était pas à cet aune puisqu’il
relève du transsexualisme, ce "horsexe historique et sociologique
de la différence-des-sexes. Le transsexualisme est horsexe mais
on ne sait jamais précisément en quoi. Pour certains,
il s’agit de leur absence totale de sexualité, pour d’autres,
une folie de l’identité sexuelle, un délire ou de
leur curieuse «croyance», etc.
La psychanalyse
qui a mis à jour le transsexualisme comme produit de la psyché
agissant (sur) le corps dans une symétrie du comportement, mais
elle le place dans une symétrie inverse, inventant au passage
un modèle d’inversion en référence à
l’architecture sociale des genres [modèle socio-statistique],
qu’elle appliquera à l’homosexualité puis
au transsexualisme [inversion sexuelle et inversion d’identité
sexuelle, pour ce dernier]. Il est vite apparu que ce modèle
l’était au modèle social dominant. Y compris des
sentiments comme architecture psychique et psychologique de l’homme
et de la femme. Le dosage sanguin n’y peut rien puisqu’on
est dans le lien sociale et symbolique, entre comportement observable
[ce comportement efféminé : le féminin pose-t-il
donc tant de problème ?], l’environnement [filial et global]
et cette demande sur le physiologique et le symbolique, et non sur le
biologique lui-même. Ce qui est opéré, c’est
l’écran des dimensions affectives, sociales et symboliques,
non le corps lui-même dans son unicité. A moins de considérer
sa partie, le sexe comme le tout. Ce qui est opéré, c’est
l’homme et la femme non le mâle et la femelle. Ce ne sont
donc pas les fondements de la civilisation qui sont attaqués
; je ne dirai pas la même chose de cet étrange troc symbolique
autour du transsexualisme/normalité
En s’appropriant
du symbolique et en affirmant que le transsexualisme naissait en l’absence
du symbolique, l’on n’a fait qu’en cristalliser la
césure, puisque c’est justement le symbolique qu’il
vise faute du social. Que l’une ou l’autre théorie
ne soit trompée sur tel ou tel détail [plus haut, l’individu
réduit à la somme des interactions comportementales ne
vaut pas mieux qu’un sujet réduit à une théorie
fonctionnelle de son « sexe de naissance »] n’y change
strictement rien. Les personnes intersexuelles sont opérées
sans leur consentement éclairé et les personnes transsexuelles,
travestis et transgenres rejetées violement hors cette dimension
socio-symbolique. Personne n’ayant répondu à l’interminable
solitude en prise entre un modèle binaire, fortement assimilationniste,
et un modèle d’intégration par l’autonomie
[très relative]. Et donc :
Le choix de répondre à la demande
d'opération telle qu'elle se présente dans la bouche des
patients est commandé à l'arrière-plan par un faisceau
dense d'assomptions théoriques : puisque le statut hormonal régit
absolument le vécu mental (c'est le fond de représentations
populaires et semi-savantes sur lequel on s'appuie), il n'y a pas à
interroger la demande en tant que telle, c'est l'effet de ce statut,
la preuve étant la conviction subjective du malade et son insistance
à se faire opérer. L'argument compassionnel est si fort
que jamais on n'interroge de psychiatres (en fait, c'est dans les années
60, pas avant, que ceux-ci se scandaliseront des décisions prises
sans les consulter). Les malades ne sont pas fous, mais des homosexuels
malheureux (ce malheur expliquant leur détresse psychique); pas
besoin d'expertise extra-médicale hors du bon sens. (…)
Benjamin, ainsi, ayant demandé une psychanalyse à Freud,
se l'était vu refuser, Freud ayant, semble-t-il, attribué
son impuissance à son homosexualité. De ce jour, Benjamin
devint l'adversaire farouche de la psychanalyse, et chercha dans l'endocrinologie
une thérapie alternative à tous les troubles sexuels.
L'antipathie entre les deux manières de voir est dans ce cas
une affaire d'individu à individu.
Cette critique en rond ne résout rien, à moins qu’il
ne s’agisse que de théorie politique par son maillon le
plus faible (le sexe) qui, en posant des barrières de nature
sociale, à un rôle crucial. D’où sa longévité
? La théorie politico-sociale de l’égalité,
cet autre maillon faible a beaucoup plus de mal d’où son
extraction récente et convulsive ? La désagréable
position du psychanalyste, responsable de ses patients a des revers
certes inattendus, mais consentis dans un cadre extrêmement précise:
la cure. L’empêchement équivaut à une rupture.
Ce qui est engagé ici est la place d’un sujet souffrant
cherchant une solution dans son histoire de vie transitant par une reconnaissance
comme point d’appui non comme tremplin qui le propulserait directement
vers une réassignation chirurgicale. La réassignation
sociale, quant à elle, attend sa résolution collective.
Certaines exceptions ne passant manifestement pas le transfert. Ni le
contre-transfert. Qu’est-ce que l’impuissance, et quel rapport
avec l’homosexualité de Benjamin vient faire ici ? Réponse
des « malades (qui) ne sont pas fous, mais
des homosexuels malheureux »… CQFD.
Les enfants repérés
dans leur jeunesse, malheureux ou non, ont été liquidés
dans cette définition du malheur hypocondriaque. Pourquoi sont-ils
donc malheureux ces homos hors normes ? Réponse : ce «
malheur expliquant leur détresse psychique ». Le rond-point
explique pourquoi l’automobile tourne en rond. Concrètement,
les transvestites se planquent toute leur vie. Ils sont essentiellement
malheureux du rond-point ou l’auto est confondue avec le conducteur.
Quant à ce vote, où il est question de psys scandalisés
d’une décision en leur absence… Cette psychanalyse
sociale serait-elle devenue propriétaire des sujets malades de
discriminations qu’elle prétend guérir en la véhiculant
? La peur de l’homosexualité et de la féminisation
est véhiculée telle qu’elle. Le rond-point devient
impasse. Comme si féminisation et féminité relevaient
de la même chose, mais c’est cela qui sera expliqué
dans le transsexualisme féminin puis appliqué au transsexualisme
masculin, y compris par le féminisme psychanalytique
John Money, à Johns Hopkins, domine de
toute sa stature la période. Persuadés que les enfants
ont leur identité sexuelle fixée irrévocablement
vers 3 ans, il va légitimer la procédure de réassignation
sexuelle encore en vigueur aujourd'hui (…) Que l'identité
sexuelle résulte essentiellement d'un apprentissage du "rôle
de genre", et que l'"identité de genre" en découle,
cela ne sera plus guère remis en question. (…) Même
le psychanalyste et psychiatre Robert Stoller, qui, à Standford,
avec Garfinkel, va initier les premières prises en charge de
transsexuels, ignore la rare clinique psychanalytique sur l'hermaphroditisme.
Celle-ci plaide pourtant pour une construction de l'identité
sexuelle personnelle extraordinairement résistante aux éventuels
démentis anatomiques ; il n'est pas évident, ainsi, qu'il
faille toujours régulariser par la chirurgie les organes génitaux
des hermaphrodites. (…) Ils auront toutes pour effet de consacrer
définitivement la distinction du "sexe" biologique
et du "genre" psychosocial. On est ce pour quoi l'on "passe"
dans l'interaction sociale, l'identité sexuelle n'échappe
pas à la règle.
Plusieurs ici choses.
Mais d’abord concernant l’intersexualité dotée
d’une « construction de l’identité
sexuelle personnelle résistante aux démentis anatomiques
». C’est exactement le profil des identités
transs* et intergenre. On est ce pour quoi l’on « passe
» ? Pour qui ? Examinons le détail. La règle commune
reposant sur des us ne supporte ni transgression ni dérogation.
Castel indique : « Que l'identité
sexuelle résulte essentiellement d'un apprentissage du "rôle
de genre", et que l'"identité de genre" en découle,
cela ne sera plus guère remis en question. ». Cela
indique que nous sommes dans le pouvoir symbolique d'une vision essentialiste
(le "sexe biologique") que condense l’identité
administrative. Stoller réfléchissait à partir
du modèle binaire et remettait en cause la partition normal/pathologique
qui enchâssait (mais sans vraiment expliquer) de telles exceptions,
non le modèle lui-même, et à partir des théories
freudiennes sur les identifications [d’où cette recherche
marginale sur un modèle maternel et fusionnel, influant sur le
féminin et le masculin et leurs possibles «inversions»
non pathologiques], du moins un modèle large acceptant des exceptions
qu’il va peu à peu creuser.
Parcourant la «rationalité
médicale» sur les interventions sur les intersexuel-les,
l’on trouve ceci : « le choix d’un troisième
sexe est irréaliste. » [Claire Fékété,
La Recherche, Le sexe, hors-série - 2002]. Justification et légitimation
dans une étroite coopération pour le bien de… ?
On peut faire le même constat chez Chiland convoquant sans cesse
l’intersexualité victime de la «nature» en
face-à-face d’une transsexologie transgressive et agressive.
Or, l’un et l’autre sont dépendants de la même
conception du Moi au travers du même prisme théorique décontextualisant.
La nature s’est peut-être trompée mais l’appui
théorique et politique de ces interventions, en l’absence
totale de débat, certainement pas.
On voulait résoudre
dans l’intersexualité ce possible troisième sexe
[comme pendant de la bisexualité psychique, finalement liquidée
par Freud dans un retour spectaculaire au tout bio/logique]. Le résultat
est pire. Non seulement ce troisième sexe [physiologique] émerge
des interventions elles-mêmes [elle le met en relief à
force de le dissimuler/opérer], mais ce système le fait
par la liquidation de l’ancrage biologique, ce «naturel»,
pour un schème biologisant du corps [mais un corps sexuel, entièrement
définit pas ce constructivisme de l'identité sexuée/sexuelle].
C’est dire qu’il est doublement travaillé de l’intérieur
: biologique ET naturel. L'hormonation et les opérations sur
les intersexuels pour rectifier une "erreur de la nature"…
faite au régime social de la division sexuée.
Toute la galaxie
de ce sexe troisième va arriver par cette double porte dérobée
en créant des microsocialités sous des formes très
diverses. Les actuels forums sur internet en sont un exemple récent.
Les quatre étapes de l’auteur en illustre toute la sinuosité
et la difficulté. C’est peu dire si l’apprentissage
du rôle du genre dans l’éducation aura joué
contre, et c’est d’ailleurs là, l’un des appuis
principaux de la théorie psychanalyste : celui de ce genre impossible
surgissant d’un nul part qui l’oblige à cette torsion
du genre et du sexe qu’il faut inventer/construire de toutes pièces
à partir de rien, ce horsexe. Ce qu'il est subjectivement puisqu'aucune
tradition ne vient l'accueillir. Très précisément
d’une partition binaire excluante a priori : il n’y a que
deux sexes et rien d’autre. Et c’est finalement de nul part
nul lieu, ce "rien d’autre", que va surgir la pathologie
sociale. Le transsexualisme chirurgical apparaît dans ce cas pour
ce qu’il est devenu : une gestion de cette implosion et un
emplâtre sur une jambe de bois. Mais qu’a-t-on fait de la
bonne jambe ?
Le véritable régulateur réside ailleurs, dans l’interaction
des histoires de vie construisant l’Histoire dans toute son épaisseur.
Je ne discuterai pas ici de savoir si c’est l’interaction
qui « conduit » les individus ou l’inverse. Castel
n’ira pas afin de vérifier sa plaisante théorie
dans la rue revêtu[e] de la bure féminine. Il vérifierait
alors ce pour quoi les interactions sociales ont un pendant terriblement
efficace, brutal même, comme de la théorie politico-juridique
sur les mœurs et l’ordre, construisant de toutes pièces
un « comportement anormal » en des termes sociaux et juridiques
qui vont emprisonner la solution qui aurait été la plus
sage : laisser la bisexualité psychique, lorsqu’elle existe,
se développer, comme toutes les autres identités, normatives
ou non. Et ainsi, cette constatation d’une «sociologie minutieuse,
quasi clinique» ( !?)… «aux rôles fonctionnels»…
Les transsexuels ne font que la confirmer. L'approche
sociologique de l'époque est en effet d'emblée dépathologisante.
Pas question pour Money d'accepter le cadre sexologique et médical
traditionnel des paraphilies, parce qu'il est sensible à la question
de la "déviance", autrement dit, des règles
que suivent les individus stigmatisés dans le processus qui les
met au ban de la société. On ne peut donc voir dans ces
comportements de transsexuels des conduites "anomales", autrement
dit, antisociales, et pathologiques en ce sens, puisqu'au contraire,
ils gèrent rationnellement leur chances d'insertion comme leur
risque d'exception. Que ces sujets soient adaptés, conscient
du "rôle" qu'ils jouent, et qu'ils poussent même
la complicité avec le sociologue jusqu'à décrire
leurs conduites en termes de "rôle" et de construction
identitaire, cela confirme l'intuition de départ : comme les
hermaphrodites élevés dans un sexe social qui n'est pas
leur sexe chromosomique, ils peuvent soulager leur malaise avec l'aide
du chirurgien et de l'endocrinologue, et interagir de façon fluide
avec autrui.
Anormal=antisocial…
On pourrait croire que l’époque précédente
était pathologisante puisque… Ou que le constructionnisme
social avait besoin d’un ennemi franc pour trouver son assise.
Le paradoxe saute ici aux yeux. Le transsexualisme arrive par ce double
soupirail de la souffrance et la stigmatisation. L’une renforçant
l’autre dans une addition addictive, ce parcours dévié
[de la ligne droite ?], réduite ici à un simple malaise.
Mais où est donc passée cette introuvable pathologie ?
Dans cette ligne de fuite asymptotique ? Les transsexuels montrent/montreraient
de toute cette « rationalisation » à quel point l’identité
personnelle n’est autre qu’une gestion fluidique [mais avec
qui donc ? certainement pas les praticiens ni la rue qui les montre
du doigt ni le monde du travail qui rechigne] d’interactions sociales
se renforçant mutuellement, régie par [et dans] cette
auto-croyance d’être ce soi conscient, relatif à
la santé mentale, elle-même dans une conception plus vaste,
transcendant tous les individus… Sauf les trans… Il y a
de quoi sursauter. La théorie, comme filtre d’une idée
de l’homme et sa conception de lui-même, passe avant tout.
La nature ayant horreur du vide, ce qui est arraché d’un
champ repousse dans l’autre. A savoir, les anciennes oppressions,
comme dans le racisme, se sont recyclées dans la lutte sociale
ou d’idées pour le bonheur d'érudits. Or on est
plutôt sur un chemin se découvrant plus que sur une construction
en bonne et due forme. D’où ce piétinement caractéristique
d’une vie en pointillé et en dents de scie. L’on
voit l’intérêt de passer à côté
de la théorie sociologique des interactions et notamment la loi
du grand nombre, ce modèle statistique dominant, à cette
« gestion de l’exception» gesticulant les préjugés
d’une main pour justifier de l’autre la liberté dans
un «relativisme ambiant». On sait avec le féminisme
toute la domination sociale et symlbolique de ce modèle statistique;
on sait également avec l'analyse du colonialisme et de l'ultralibéralisme
la domination invisible derrière l'universalisme. Bref, la politique
de la confiture aux cochons… S’il y a gesticulation, c’est
que le relativisme, "ce monde pastel" des identités,
n’existe pas ou demande une liberté d'être partout
montré du doigt. La société du libertinage est
en train de changer la donne mais est-ce la bonne manière ? Manifestement,
c'est encore l'homme qui en est le pus souvent le maître d'oeuvre.
La « fin des idéaux » [confondu avec –la fin
de- l’idéologie] expliquant qu’il est décidément
pas possible de conduire (en rond ?) sans code de la route respecté
par chacun. Idem des couleurs… Quitte à se poser la question
mais pourquoi donc avez-vous obéi à ces interactions vous
piégeant ? L’on voit à l’horizon toute la
subtilité entre une idée de l’homme et une idée
de la liberté. Vous étiez libres des interactions sociales,
mais non de la transgresser car l’on sortirait de ladite liberté
(donnée) en escamotant celle de l’humain (non donnée).
La diffusion mondiale de l'histoire de Georges
Jorgensen, le GI devenu Christine, grâce à Harry Hamburger
et l'équipe danoise de Christian Hamburger, et qui fut élu
"femme de l'année" en 1953, va alimenter en retour
la réflexion sociologique sur l'identité sexuelle et la
relativité des catégories du genre avec des situations
vécues de plus en plus nombreuses. (…) Ce problème
est d'ailleurs évident : les transsexuels qui se disent "satisfaits"
des conséquences des opérations chirurgicales sont évalués
sur des critères les plus objectifs possibles (adaptation sociale
mesurée par l'emploi, la stabilité, etc.). On n'en envisage
pas d'autres, et surtout pas l'évaluation interpersonnelle et
subjective que les psychanalystes réclament. On ne considère
pas, en particulier, le fait que la prise en charge psychothérapeutique
est un succès quand elle prévient ou retient le transsexuel
de se faire opérer. L'échec à le guérir
de son malaise psychique est imputé au psychanalyste, tandis
que la solution mutilante irréversible, parce qu'elle fait disparaître
les motifs allégués par le patient de son malaise est
versé au crédit de la technique chirurgicale (15). Mais
est-ce le bon problème ? Que la société trouve
son compte dans les résultats des opérations, cela vaut-il
solution d'un problème psychiatrique, argumentent les adversaires
de ces procédés ?
Georges
Jorgensen, le GI devenu Christine… Mal aux dents ? Le GI
en question grattait du papier dans les casernes… Christine Jorgensen
a été victime de sa soudaine reconnaissance orchestrée
par les medias sensationnalistes. Elle fut surtout un modèle
de tempérence et de discrétion dans sa vie, chose qui
manque tant à ce sujet.
Une évaluation « interpersonnelle
et subjective que les psychanalystes réclament»
dont l’auteur précise que: «Tout
dépend en fait de critères éthiques implicites
(la définition du mieux-être) et de l'idée de la
subjectivité qu'on se fait.». Qu’on se fait
? Pourquoi indiquer ici une définition de
critères éthiques implicites, ce mieux-être,
puisqu’ils ne sont pas prise en compte ? De l’évaluation
objective [l’intégration dans un rôle ne se superposant
pas avec le soi que les femmes connaissent si bien, même après
l’autonomie], Castel ne peut la retenir puisqu’elle validerait
le propos et se retranche derrière cette demande «interpersonnelle
et subjective» des psys. Quels psys ? Quel est le contenu
? Cet échec à guérir un malaise imputé à
la psychanalyse ??? Cette demande n’est pas faite aux psychanalyse,
mais à la psychiatrie. Cette stupéfiante découverte
repose sur la seule plainte ininformée d’une poignée
de victimes, une plainte non entendue et dirigée, en général,
vers la société globale qui ne veut justement pas d’eux.
Sauf à cette condition du transsexualisme chirurgical, en effet
car elle semble (se) reconstruire sur le modèle ambiant et je
partage le même étonnement ici. C’est dire si les
stéréotypes figés du régime hétérosexuel
[ne s’avouant jamais comme tel] peut produire ce sujet par omission
et pression. On préfère des trans semblables à
ce tout-le-monde [dont chacun se plaint] plutôt que ces travestis
et homos, efféminés ou non. Castel n’ira pas analyser
[mais les féministes essentialistes pas plus, ce que le terme
d’efféminé contient de déconstructeur. Des
femmes efféminées sans doute, qui ignorent qu’elles
le sont et ne veulent surtout pas savoir. On est très loin de
du yoyo de S. Agacinski qui affirment que les femmes savent qu’elles
sont travesti-es (en femme?). Quant à l’échec de
la thérapie, elle ne tient pas tant à la psychanalyse
[quelle psychanalyse, quels auteurs ?] qu’à l’impossibilité
de séparer le transsexualisme moderne de l’époque
puisque celui-ci n’a aucune existence ni personnelle ni sociale
en dehors des codes sociaux avant ladite modernité
Que quelqu'un se sente "satisfait" de
passer pour une femme, avec un néo-vagin et des doses massives
d'hormones, est-ce une guérison, la preuve du bon effet d'un
traitement, l'effet prévisible (neutre sur le plan médical)
de la satisfaction d'une demande insistante et ancienne, ou la preuve
définitive qu'il est fou ? Tout dépend en fait de
critères éthiques implicites (la définition du
mieux-être) et de l'idée de la subjectivité qu'on
se fait (il est évident qu'après l'opération, les
possibilités de réélaboration personnelle du vécu
transsexuel sont réduites à néant), et qui commandent
la lecture des résultats d'enquête mesurant la "satisfaction".
Rien de tout cela n’est très « satisfaisant »
? Pour qui ? Rien n'a été fait ni pensé en aval,
comment prétendre traiter l'amont, lorsque les critères
éthiques implicites sont plaqués sur une historicité
des identités naturalisées. La raison toute subjective
tient au mieux-être, cet espoir de bonheur paisible ou passionnel,
cette marque de l’humain… Quant aux possibilités
de réélaboration personnelle du vécu transsexuel,
elles n'existent tout simplement pas puisqu'il y a pas de vécu
transsexuel mais une maladie troublante…Quelles
seraient ces autres possibilités ? Pas un mot.
De la norme
de santé mentale
Mais
les réponses des psychanalystes, quand on leur a demandé
d'offrir des étiologies alternatives à la réduction
sociologique ont été en général extrêmement
faibles, parce qu'elles ne parvenaient pas à accommoder le
principal problème que pose une sous-catégorie précise
de transsexuels (ceux dit "primaires" parce qu'ils manifestent
le syndrome dès la plus petite enfance, et qu'ils n'ont jamais
rien voulu, en toutes circonstances, que répudier leur sexe
: l'absence de conflit psychique patent, et la tranquille assurance
que leur problème est social (comment faire accepter aux autres
une évidence?), pas mental (16). Même Stoller, le mieux
informé des premiers théoriciens psychanalystes du transsexualisme,
en s'efforçant de donner une signification psychanalytique
à la notion de "genre" selon les mêmes lignes
que Money (en comparant transsexuels, hermaphrodites, enfants aux
organes génitaux mutilés, etc.), a dû construire
une doctrine dont il ne cesse lui-même de signaler le caractère
hérétique pour un freudien, parce qu'elle part de l'absence
de conflit intrapsychique chez les transsexuels. Mais comme il insiste
sur l'impossibilité d'objectiver la clinique qui lui permet
de la soutenir, et que ses données sont souvent indirectes,
ou hasardeuses comme toute psychanalyse, jamais son travail, malgré
sa prudence et son bon sens, n'a pu inquiéter le paradigme
dominant de la "satisfaction" des transsexuels opérés.
A la limite, en faisant des concessions majeures à des savoirs
extra-psychanalytiques, et en usant de notions aussi problématiques
que l'imprinting des nourrissons par leur mère, à la
Lorenz, ou à la théorie de l'apprentissage social, Stoller
a plutôt signé l'arrêt de mort de l'autorité
de la psychanalyse dans ce domaine : chacune de ces explications peut
être substituée à toutes les autres explications
qu'on trouve chez Freud (à l'Œdipe, au refoulement, etc.),
et aucune n'a besoin de s'enraciner dans l'inconscient.
Où l’on voit comment psychanalyse et psychiatrie, médecine
et endocrinologie sont imbriqués aujourd’hui dès lors
que l’on se met à écouter (?) des patients. Et qui
guérit quoi ? L’on ne s’apercevrait même pas
ici que ce mixte d’imbrications à la limite du déchiffrable
s’appelle d’ordinaire de la culture. D’où ce
transsexualisme où l’essentiel réside dans le fait
de passer pour… se fondre dans cette interaction sociale qui divise
les êtres en deux sexes-genres au lieu de… et lamine tous
les espaces vacants de ces milliers de genres distincts dans l’épaisseur
culturelle des sensibilités. Et non plus selon une échelle
statistique (objective). Mais voilà une chose bien difficile pour
la raison, ce continent informé de lui-même. Le transsexualisme
primaire serait le premier problème et ce premier coin. Voilà
qui signerait la liquidation totale [au sens marketing du terme] de la
problématique sociale, non du problème humain. Mais ces
deux dimensions sont totalement confondues. Que [la théorie de]
l’apprentissage social soit cette notion problématique, voilà
autre chose qui signerait radicalement le renversement. Castel ne cesse
de postuler sous la foi de la psychanalyse, tout en admettant ici qu’elle
est souvent indirecte et hasardeuse, se reposant également sur
le « bon sens ». Celui que postulait déjà ces
féministes pressées d’en finir avec le patriarcat
ou cette homosexualité normative, pressée de se débarrasser
de ces efféminés après avoir hurler contre la normalité
étouffante ? La normalité est décidement un objet
problématique bien encombrant.
Si
le transsexualisme ne se satisfait de rien (sauf de lui-même à
l’âge d’enfant), c’est aussi et surtout parce
que cette absence de conflit intrapsychique le structure dans l’inconscient,
ce que fera remarquer Money et Stoller, et ne le distingue pas des autres
individus de la population globale que Castel mesure « à
une norme de la santé mentale » (plus bas). Mais quelle
est cette norme ? Le tri opéré dans ladite norme [le tradition
en matière de hiérarchie des sexes, la croyance en une
identité découlant du seul sexe ?] fera le détail
des uns et des autres. Castel ne croie pas à cette absence de
conflit, ce qui l’obligerait à reparler de l’inconscient,
sans rien céder à l’irréversibilité
que contient en germe la bisexualité psychique, et le ramène
à un problème social en détournant le regard vers
ce qui lui apparaît un alibi ou « comment faire accepter
aux autres une évidence ? ». Non, justement, ce n’est
pas une évidence. Ledit problème disparaît au cours
de la puberté la plupart du temps, et ne réapparaît
qu’à l’âge adulte pour la plupart des cas.
Le non s’est solidifié dans le refoulement. Rien ne distingue
alors cet enfant d’autres enfants. Après tout quantité
de problèmes créent cette inadéquation qu’on
peut [très éventuellement] détecter. La plupart
du temps, c’est un diagnostic d'homosexualité qui est posé.
Il faut bien que ce qui a été contenu depuis la fin de
l’enfance, jusqu’à ce surgissement adulte, vienne
de quelque part et ce quelque part est dans l’inconscient et certainement
pas dans une mesure objectivement mesurable quant à l’adaptation
à un rôle ou un emploi. Celui-là n’est que
l’écume sociale et dit, à rebours, ce que le social
ne dit jamais. Pourquoi faire semblant ? Au moins, ce passage à
un avantage, celui de ramener l’élément principal
de ce débat difficile : celui de poser la question à hauteur
des enfants. Mais Castel comme tant d’autres ne s’intéresse
qu’à l’aspect adulte de la problématique et
d'énoncer qu’il est un peu tard pour faire quelque chose
et notamment parler, avant qu’il soit trop tard. En effet, il
est « trop tard ». Rien ne viendra plus colmater la brèche,
mais cela nous le savions déjà.
(…) C'est la reconnaissance d'un acte de
transformation conçu comme un acte libre, mais formulé
dans des termes qui permettent encore de le décrire comme un
syndrome, et donc de préserver une zone d'expertise médicale
(il faut vérifier que les patients ne sont pas schizophrènes)
; le problème est que l'anormalité symptomatique du transsexualisme
ne se mesure plus désormais qu'à l'inadéquation
sociale ressentie, pas à une norme de la santé mentale.
Les avatars de la dysphorie de genre se frayèrent ensuite un
chemin dans les nosographies officielles (les versions successives du
DSM), dans le cadre global des "troubles de l'identité de
genre".
C'est justement l'exigence thérapeutique qui constitue aujourd'hui
la dernière frontière du transsexualisme. Dès le
moment où la dysphorie de genre n'a plus de médical que
le fait contingent qu'on la répertorie parmi des syndromes psychiatriques,
il n'y a finalement pas plus de raison de l'y conserver que de conserver
l'homosexualité parmi les maladies mentales. (…) Dans cette
phase, à laquelle nous appartenons, l'instrumentalisation consciente
et délibérée de la chirurgie et des hormones à
des fins d'épanouissement individuel, de choix de style de vie
sexuel dans le contexte général de l'émancipation
des mœurs, et conjointement, la critique savante de la normativité
dimorphique véhiculée par le féminisme militant,
sont les grands points de repère. C'est l'époque du "transgender",
où transsexuels, tranvestistes, homosexuels à la présentation
volontairement ambiguës, mais aussi certains hermaphrodites, entreprennent
une déconstruction ludique mais aussi politiquement armée
des stéréotypes sexuels où s'aliène le désir.
Comment parler à la fois d’acte libre et de souffrance
solipsiste engageant un tel remaniement ? et quelle est cette norme
de santé mentale ? Elle ne peut exister ici puisque le transsexualisme
est (conçu comme) une pathologie et l'objet de cette désignation
d'un quelqu'un (qui) se
sente "satisfait" de passer pour une femme, avec un néo-vagin
. Il faut donc la prendre où elle est, dans une totale extériorité
de ce sujet. Or on prétend l’analyser de l’intérieur.
C’est peu dire si l’inconscient peut manipuler de l’intérieur
l’illusion d’un moi s’analysant. En bref, puisqu’il
est déjà trop tard, mieux vaut administrer un remède
de cheval ? Mais lequel ? Ces traitements de choc qu’ont été
l’hormonation, les électrochocs, les vomitifs ? Revoir
Family life de Ken Loach… Remarquons ici la « déconstruction
ludique (…) où s'aliène le désir. ».
Quel désir ? Pour qui ? Une « instrumentalisation
consciente et délibérée de la chirurgie et des
hormones à des fins d'épanouissement individuel, de choix
de style de vie sexuel ». Bref, l’individualisme
porno* contre
le social propret. Mais alors, cette étude que nous propose l’auteur
sur la vie de D. McCloskey, enseignant et professeur d’économie
: un simple individualisme ? L’autonomie du désir, cette
parole engagée, peut quant à elle de nouveau se rhabiller
de la bure de LA norme de santé mentale. La cible n'était
pas seulement le transsexualisme mais toute cette galaxie sexuelle.
Deux éléments essentiels émergent
ici. Le premier, c'est le conflit ouvert qui oppose les défenseurs
d'un transsexualisme "assimilationniste", où le but
étant de se fondre dans le sexe visé, l'état transsexuel
est une pure transition, et les transgénéristes, pour
qui la réfutation agie des stéréotypes sexuels
est un but subversif en soi, et qui refusent donc de les reconstituer
"de l'autre côté" sous une forme inverse. (…)
C'est le militantisme féministe et homosexuel qui a offert son
modèle aux organisations transsexuelles (et transgénéristes)
de la seconde génération, dont l'ambition n'est désormais
plus de fournir l'accès à la réassignation sexuelle
à des individus isolés et dépourvus d'information,
mais bien de lutter contre la discrimination économique, ou policière,
etc. (21) Les émeutes du "Stonewall bar", à
Brooklyn, en juin 1969, qui opposèrent plusieurs jours d'affilée
des homosexuels à la police, sont le fait d'armes fondateur de
ce militantisme ; on oublie souvent qu'elles furent au départ
le résultat d'une mobilisation de transvestistes et de transsexuels,
victimes d'une homophobie plus large, mais dont ils étaient les
cibles facilement identifiables. De sous-culture semi-clandestine, vouée
à faire circuler les "trucs" auxquels les médecins
détenteurs du pouvoir d'opérer étaient réputés
sensibles (histoires de vie typiques, pratiques à dissimuler,
etc.), le transgénérisme est devenu peu à peu un
mouvement libertaire aux vastes ramifications, notamment académiques
et littéraires, qui s'alimente à la tradition associative
et communautariste américaine, et utilise Internet dans la veine
des protestations pour les droits civiques des années 60. Un
de ses prolongements les plus intéressants est le mouvement de
protestation qui s'est organisé contre la réassignation
chirurgicale des intersexuels, mutilés pour satisfaire des stéréotypes
conformistes du genre (22). Or, ce ne sont pas les anciens arguments
psychanalytiques qui sont ici invoqués : au contraire, le transgénérisme,
avec sa contestation sociologique du dimorphisme sexuel semble fournir
l'essentiel des arguments.
Ce qui précède est sans doute valable aux USA mais certainement
pas en France. La confusion des uns et des autres dans une absence totale
de connaissance du milieu associatif est hurlante. Rappeler ici que
les transgenres et transsexuelles étaient victimes de l’homophobie
et de la violence policière arrive un peu tard. Personne ne s’est
ainsi penché avec une telle assurance sur leur sort et c’est
ceci qui a signé leur revendication. Entre autre, à partir
de Stonewall aux USA. La France attendra la fin des années 90
en prenant acte des associations européennes et non du militantisme
homosexuel. Ce dernier ne peut répondre au transsexualisme mais
seulement à sa visibilité sociale. En effet, les «anciens
arguments psychanalytiques» n’ont plus à être
invoqués tant la chose est passée dans les mœurs
et notamment dans la veine des protestations. Il fallait bouger avant.
L’exception signe ici la règle, rendant survisible une
liberté extorquée pour légitimer un régime
liberticide à leur encontre. Curieux procès. La France
n’est pas les USA. Leur seule autonomie actuelle est de faire
le lien entre les personnes toujours isolées vers le suivi psychiatrique
obligé.
Pour faire oublier ici l'existence médicalisée et contrôlée
des intersexuels, on convoque le transsexualisme, ceux-ci appelant une
analyse de l'homosexualité suivant là un schéma
décidément classique. Le militantisme homosexuel et, en
particulier, féministe [avec J. Butler notamment] ne s'y est
pas trompé. Lorsqu'on examine les arguments des chirurgiens opérant
les intersexuels, l'on retrouve le refus moral et social d'un troisième
sexe. Si la contestation sociologique du dimorphisme sexuel sert à
dénoncer la violence étatique et sociale qui n'a strictement
rien de légal, alors elle a atteint son but. La rappeler ici
sans la prendre en compte n’a aucun sens.
De
l'instrumentalisation
Malgré les conflits de surface, il est
cependant patent que l'approche sociologique et la quête d'un
soubassement neuroendocrinien ne se contredisent pas : il est devenu
scolairement trivial d'écarter les oppositions nature/culture
exacerbée dans le cas du transsexualisme, au nom de leur complémentarité.
En revanche, si un strict déterminisme s'exerce sur les sujets,
si leur sexe psychosocial n'est pas plus en leur pouvoir que le fait
d'être gaucher ou droitier, alors leur est ouverte la porte
de la reconnaissance juridique de leur statut, et les ménagements
dus à une minorité sexuelle opprimée. C'est dans
cette direction que se tournent aujourd'hui les organisations de transsexuels,
mais elles n'obtiennent guère plus que des mesures de protection
déduite du droit fondamental à la non-intervention de
l'Etat dans la sphère privée (au sens de la privacy
anglo-saxonne). Désormais, les deux conceptions du transsexualisme,
l'une, psychanalytique, qui continue à maintenir en invoquant
une clinique de plus en plus précise, le caractère pathologique
et très souvent délirant de l'espoir de changer de sexe,
et celle du militantisme transgender, en pointe dans la lutte pour
la reconnaissance légale, ne se rencontrent plus nulle part.
Par bien des côtés, il semble que les psychanalystes
veuillent en fait défendre l'existence même d'une psychiatrie
qui mesurerait les troubles mentaux à une autre norme que l'acceptabilité
sociale des déviances, tandis que les militants transgender
dénoncent dans la psychanalyse un dogmatisme dépourvu
de bases scientifiques qui légitime a posteriori des préjugés
conservateurs. Ces anathèmes réciproques reflètent
une difficulté exemplaire de nos conceptions anthropologiques
: sont en lutte celles qui relèvent d'une vision de l'homme
comme individu libre, transparent à lui-même, instrumentalisant
la science pour accomplir un projet dont il est seul responsable et
qui se mesure à des idéaux hédonistes, et celles
qui voient dans la transparence prétendue de la conscience
une illusion radicale, dont la sexualité et l'identité
sexuelle non-choisies sont les pierres de touche, avec une méfiance
pour la technologie médicale qui refabriquerait l'humain. Comme
ces deux options sont des options morales, il serait très hasardeux
de considérer que l'une ou l'autre puisse être définitivement
vaincue (au moins dans le cercle historiquement défini de notre
culture et de notre société).
Et quel autre cercle serait possible ? L'Occident conquérant
à contribuer à effacer la socialisation ternaire dans
nombre de société. Telle est la question qui a puissamment
motivé chacun dans ce débat difficile sans aucune réponse
de la part des possédants. Dans les forces en présence,
pour qu’il y ait un conflit, il faut deux forces symétriques
en présence. Ce n’est pas le cas. La quête d’une
norme de santé unique a conduit aux pires extrémités.
Que l’approche sociologique ait besoin d’un tel soubassement,
ce dont je doute, souligne à quel point l’approche biosociale
est toujours dans les esprits, au point de falsifier des pans entiers
de la recherche.
De cette remarque, postulant un "individu
libre, transparent à lui-même, instrumentalisant la science…",
on n'en saura pas plus. Cette illusion typiquement occidentale (?) a
donné lieu à des bibliothèques entières.
Comment le résoudre ici ?
Maud-Yeuse
Thomas
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