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Article 1

Sexe et appartenance


La littérature essentialiste n’a cesser de postuler une psychopathologie, soit pour autoriser un soin, soit pour l'interdire. Typiquement, ce modèle est désormais devenu l'os à ronger pour chaque camp. Essentialisme ou constructivisme? Le transsexualisme (ou plutôt l'extrême qu'il provoque) vous met en demeure de trancher…

L’analyse se centre entièrement dans une culture à deux sexes sociaux. Or le transsexualisme psychique, sous la forme de l’androgynie psychique ou de l’identité transgenre a toujours existé à toutes les époques et dans toutes les sociétés. Il y a donc peu de chance que l’on fasse l’économie de la souffrance et de son traitement synonyme en Occident de médicalisation sans aucune résolution sociale. De cette question ressurgira la définition de l’identité sexuée (homme ou femme) par l’identification à l’appartenance reconnue à l’un des deux sexes sociaux, nécessaire à la construction-édification de l'identité de genre (individuation personnelle et sociale). L’androgynie et le transsexualisme sont déjà dynamiquement ce troisième sexe social à l’instar des « transsexuels traditionnels » (Inuits, "Berdaches"…). Ceux-ci étaient en effet reconnus par leur culture propre.

La question n’est pas posée mais affirmée : le sexe n’est un sexe réel que reconnu par une société. Autant dire que le sexe est une instance sociopolitique et de fait, c’est une revendication politique à laquelle est opposée une demande individuelle qualifiée de délirante. ou quand botter en touche, en médecine, permet une résolution… Un ajout supplémentaire remanie ce classement pathologique : elle est inclassable. Il y avait les hommes et les femmes, désormais il faudra ajouter (décompter ?) une troisième classe implicite, infériorisée, après les homosexuels : les transsexuels.

Tout en tentant de soulager la souffrance de ces patients, on se trouve amené à se poser deux questions théoriques de grande importance : quelle est donc cette pathologie inclassable dans les catégories nosologiques traditionnelles ? Comment se développe l’identité sexuée, autrement dit le sentiment d’appartenance à l’un des deux sexes reconnus par notre culture ? (C.Chiland)

C’est le désir de changer de sexe qui définit le transsexualisme alors qu’il est évident que la définition tient au mode de lecture du sexe social et donc aux modes de socialité par lesquels un individu se socialise et se développe unitairement. L’on vise ici le seul aspect chirurgical. L’identité sexuée est donc ici nécessairement synonyme d’un des deux sexes ou plutôt l’un ou l’autre genre social sur la ligne de clivage sans aucun regard sur le fondement individuel rejeté dans un désir individualiste. C’est dire l’incohérence dans l’anomie de réponses où l'on construit de toute pièces un sexe absent. De fait, dans un autre article (traité séparemment), l'auteure insiste, les trans ne veulent pas d'un troisième sexe. En effet, la plupart sont binaires et parfois homophobes. Nombre sont toutefois trans et homosexuelLes, s'insèrent dans un réseau homosocial, ou innovent pour une "transocialité".

De la définition de Chiland, ce qui distingue le plus les uns des autres (les trans et la population globale ?) est la souffrance ; ce qui rapproche le plus est le sentiment d’appartenance. Chacun se précipitant dans cet heureux choc entre reconaissance-appartenance/absence-souffrance. Votre appartenance vous fait souffrir ? Changer de monde… ou de sexe… L’enfant est définitivement écarté ici pour une réécriture de son histoire sous des concepts et analyses du type sexualité infantile ou confusion pénis/phallus.

Dans une pensée binaire, le sentiment de notre sexe et le sentiment d’appartenance sont liés et synonymes. L’un ne va pas sans l’autre : le corps et l’identité sexuée sont les deux faces d’une seule et même chose, se construisant l’une l’autre dans un co-développement ne supportant pas de scission au regard des sexes reconnus par une culture. Le transsexualisme se lit en épaisseur dans la définition de cette scission de l’innappartenance. En creux, le lien individu-société. Le corps est placé dans ce lien selon une origine qu’il ne peut avoir du point de vue de l’identité adulte mais du point de vue de la transmission. Il n’y a pas de corps propre s’il n’y a pas de psychologie, pas de psychologie sans appartenance. Or l’identité subjective est constamment balayée au nom (voire sur le seul nom) de la différence des sexes. Comme avec l’homosexualité, leur surgissement en l’état vient de la pathologisation de leur désafiliation souffrante liée à la discrimination. Avoir trop vécu dans la marge ou la solitude totale, l’on ne parvient que difficilement à remonter dans le train de l’assimilation.

Notre société s’est créée de toutes pièces un problème de santé mentale. Voici comment cette problématique est présentée:


La dysphorie de genre est la dénomination scientifique qui se réfère à des problèmes psychologiques au niveau de la façon dont on vit son propre sexe.
Le mot "gender" signifie genre ou sexe. Le mot "identité de genre" se réfère à la façon dont on expérimente psychologiquement son propre sexe. Tout le monde a une identité de genre : c'est l'expérience d'être un homme ou une femme. Seulement si le sexe physique ne correspond au sexe expérimenté psychologiquement, nous parlons de dysphorie de genre. Celle-ci peut se présenter sous des formes différentes. Le travestissement est considéré comme la forme la plus légère de dysphorie de genre, le transsexualisme est la forme la plus extrême, le transgendérisme est une forme entre les deux. Nous parlons donc de transsexualisme lorsqu'un homme ou une femme, dont les corps sont normaux, est au fond convaincu d'appartenir à l'autre sexe. Ce conflit intérieur est ressenti comme une souffrance très grave qui empêche l'individu de se développer, provoquant un étouffant sentiment d'aliénation au cours des années. À cause de cette expérience, beaucoup de transsexuels prononcent le désir d'adapter leur sexe physique à leur expérience psychologique.

Bien que l'expérience de dysphorie de genre soit aussi ancienne que l'humanité même, il n'existe toujours pas de réponses claires à l'égard des causes.
Les biologistes de même que les psychologues ont des hypothèses. (2).


Un corps normal n’existe qu’au regard de normes sexuées et genrées. Ceci ne fait que renforcer la problématique d’un impossible grand écart : absence ou appartenance dans le registre du vrai/faux. Le registre psychique est absent. On voit en transparence la résolution sociale s’il s’agit vraiment d’empêcher les opérations. Mais on voit également avec les identités transgenres que la résolution sociale est également lestée d’un impossible via le respect des normes et valeurs. Ce mode de présentation est globalement celui de tous les auteurs. D’emblée, on peut remarquer l’échelle qui va du travestissement (la forme la plus légère de dysphorie de genre) à « la plus extrême ». On suppose ici que l’« euphorie de genre » doit être la forme hétérosexuelle cisgenre (coïncidence sexe-genre). Or, cette donnée n’est ni naturelle ni normale : elle est une forme sociohistorique où le genre vécu est scellé dans l'appartenance sociosexuée binaire. Elle est variable dans le temps et les sociétés et est fonction du régime de socialité : binaire dans les pays occidentaux, ternaire dans d’autres sociétés. Par exemple, avec les "Berdaches" (Amérique du Nord) et les Kathoeys (Indonésie), la notion de dysphorie de genre n’a pas de sens. En médicalisant le travestissement, l’explication a figé une forme sensible d’une identité en particulier en un problème de santé mentale en général. Cela a confiné les gens dans un repliement malsain, créant de facto un problème là où il n’existait pas. On se demande dans un tel contexte comment on pourrait donner des réponses claires. Se demande-t-on pourquoi l’expérience de l’identité de genre a-t-elle à ce point nécessité d’une telle division oppositionnelle ?

L’expérience de la dysphorie de genre ne commence pas avec le travestissement mais avec la division de genre elle-même. S’habiller "en-femme" pour une femme ou un homme n’est ni plus ni moins naturel ou sain l’un que l’autre. Cela tient à la norme qui de dominante, s'avère oppressive. Autrement dit, s’il y a une dysphorie, elle se situe dans l’interrelation à la norme. Une femme féminisée n’est ni plus ni moins dysphorique qu'un travesti si elle se vit dans un zoo. Concernant ce passage :

Ce conflit intérieur est ressenti comme une souffrance très grave qui empêche l'individu de se développer, provoquant un étouffant sentiment d'aliénation au cours des années.


Ce texte isole l’individu transsexuel dans une bulle (un « conflit intérieur ») qui n’existe que dans le contexte d’une aliénation sociale qui l’empêche de se développer. La cause de la souffrance est l’isolement, le conflit intérieur en est la résultante. L’on prend ici la cause pour la conséquence et l’on s’interdit de voir la véritable cause tout en le médicalisant et en prétendant venir lui apporter de l’aide. Isolé, cet individu n’a d’autre solution que de se caler dans un des sexes sociaux reconnus, et pour cela, il se déplace d’un corps l’autre dans le spectre des identités sociales d'autant plus facilement que médiclisé, il finit par obtenir cet impossible sexe social. Il ne confond pas le pénis et le phallus, comme l’a affirmé Lacan. Le phallus n'existe qu'avec la maturité et l'autodétermination sociosexuelles. En bref, il faut en avoir envie, s'en servir et en faire un symbole de soi (l'admirer…). On en est loin ! Il se déplace à l’intérieur d’un régime binaire exclusif et exhaustif. S’il y a un pénis (ou un vagin), il n’a justement pas de phallus (de…?) puisqu’il n’est pas une femme mais un homme (et inversement). Or, à une identité sociale correspond une identité corporelle dans le cadre s’apparentant à une loi structurelle.

Le traitement médico-chirurgical est une des formes de ce déplacement, le travestissement en est une autre. On pourrait trouver d’autres manières de se déplacer dans le spectre des identités sociales. Par exemple, les statuts socioprofessionnels, l’emploi d’un prénom de genre réservé à « l’autre sexe ». Par exemple, je décide pour marquer mon identité de genre masculine de m’appeler Gil, ce qui me fait exister « comme » identité masculine ou comme homme. Cette auto-performance me permet d’exprimer toute la gamme de mes émotions profondes qui structure mon individuation psychologique et, pour l’aspect affectif, sexuée. Forte de cette gamme intérieure explorant tout le spectre, je peux exprimer mon être émotionnel, femme et homme, en lui donnant une forme que je pense la plus appropriée, c’est-à-dire culturelle. En-homme, serais-je cette travestie, c’est-à-dire cette dysphorique légère de genre ? C’est déplacer un individu dans un cadre d’énonciation qui le créé comme dysphorique, et prétendant le recréer comme patient devant guérir. Sauf si je décide du contraire.


Fondamentalement, la résolution d’une telle singularité dans une résolution chirurgicale est une tentative d’adaptation au Moi instruit dans la binarité et par lui. Elle se situe à l’interface de l’affect et du concept (le moi) dans un horizon des événements (la binarité) qui l’absorbe entièrement.
Décidant du contraire, je passe de l’avenir binaire au devenir ternaire, queer, transsexuel, rompant la linéarité discursive.

 

1. C. Chiland, Du désir de changer de sexe, La Recherche, hors série n°6 novembre 2001.

2. http://www.genderstichting.be/fr/index.html

 


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