Du
cadre des savoirs
C.
Chiland, le discours de la psychanalyse essentialiste
Article
d’une auteure féministe, philosophe puis psychanalyste,
ayant écrit un grand nombre d'article, livres, prolongeant une
maltraitance théorique (F.Sironi) intégrée.
Article
(Transsexualisme) dans l'ouvrage Dictionnaire de la pornographie,sous
la direction de Philippe Di Folco, Ed. PUF, 2004 - Préface, J-C.
Carrière
Une analyse des termes de cette maltraitance théorique permettra
de pointer les conditions de son exercice et les difficultés
de ce groupe social inhérentes à cet exercice.
D’emblée, le premier paragraphe pose le cadre de cet exercice.
On voit à la télévision
des transsexuels qui acceptent de parler de leur problème,
voire qui se donnent en spectacle. C’est une image infidèle
des patients qu’on reçoit en consultation, et qui cherchent
une issue de leur souffrance dans la discrétion et l’incognito.
Le grand public se trouve ainsi conduit à assimiler ceux que
les consultants appellent transsexuels et des personnes diverses –
travestis, transvestis, militants transgenre.
Le premier tri repose sur la distinction entre grand public et trans
; le second entre transsexuels et personnes diverses.
Le second tri repose sur la distinction entre télévision
assimilée à du spectacle et la socialisation ordinaire
et l’incognito. Ce second tri repose sur une activation sociopsychologique
des conditions conflictuelles entre les personnes catégorisées
en divers sous-groupes (transsexuels, travestis, etc.) de facto. De
fait, les conflits entre ces divers sous-groupes au sens sociologique
du terme sont très vivaces car entretenus artificiellement, y
compris par cette télévision narcissique. Un troisième
tri oppose spectacle et discrétion. Une discrétion bienvenue
masquant une domination que permet une permanente réécriture
de leur histoire.
Cette télévision est vivement critiquée et analysée
par les militants, qu’ils soient transsexuels, transgenres ou
travestis mais aucune télévision n’offre actuellement
un cadre permettant le temps de l’analyse des conditions de maltraitance
théorique et sociopolitique.
L’ensemble de la phrase est typique d’un regard prétendument
neutre (celui de « consultants ») sensée apporter
une analyse objective, apte à apporte une réponse satisfaisante
au problème du transsexuel (et lui seul) et le guérir.
La consultation discrète et l’intégration incognito
(anonyme ?) sont sensées apporter le cadre de cette réponse.
La
suite de l’article indique le cadre théorique sous-jacent
de l’analyse du transsexualisme compris comme psychopathologie
et réduit au seul changement de sexe. Ce cadre est la théorie
de la différence des sexes compris comme structure universelle
de détermination des identités et constituant un invariant,
socle de toute société et socle du développement
compris comme socle de l’humanité. Il découle de
ceci les postulats de base enserrant cet objet en le rendant si particulier
et doué d’une si « étrange familiarité
» :
Il
a probablement toujours existé des personnes qui refusaient
le sexe qui leur avait été assigné à la
naissance, sans qu’il s’agisse d’intersexuation
patente (…)
Ce
n’est pas le sexe qui est assigné à la naissance
(c’est-à-dire mâle ou femelle) mais l’identité
de genre, c’est-à-dire fille ou garçon et engageant
les enfants dans un devenir en droite ligne vers l’identité
femme ou homme ou, à l’inverse, en ligne inverse de la
différenciation selon le sexe : les identités trans, androgynes,
multiples, intersexe et intergenre. Mais Chiland comme tant d’auteurs
et praticiens se réfèrent à un modèle binaire
avec pour seul invariant le sexe biologique (et non le sexe social)
qu’ils pensent universel et doivent postuler ce « probablement
» sans aucun examen. Par ailleurs, une opposition formelle entre
intersexuation (au sens biologique) et transsexualité (au sens
psychique et sociopychologique). Bref, l’on compare des objets
incomparables.
Le
refus du sexe d'assignation signifie en effet une transgression sociale
mais cette transgression porte sur le statut de la norme dominante et
en aucun cas, elle signifie un refus du réel. Or cet argument
a souvent été utilisé pour étayer une construction
d'une psychopathologie plus morale et idéologique que médicale.
La même confusion opère entre des personnes identifiées
à un « troisième sexe » que l’auteur
qualifie si justement de situations particulières,
sans aucun lien avec la socialité binaire. Dans la société
Amérindienne, la socialité n’est pas binaire mais
multiple. Typiquement, les Berdaches ont longtemps été
interprétés comme des homosexuels passifs et effeminés
par l'Occident, voire récupéré par des historiens
homosexuels (lire Pat Califia, le mouvement transgenre). Le terme même
d’effeminé est un préjugé culturel entretenant
le sexisme et l’inégalité ordinaires et renvoyant
à un modèle prépathologique. Ce qui permet cette
exception distinguant les "transsexuels" et les "divers"
: les trans binaires sont égalemen cisgenre et ne veulent pas
d’un troisième sexe (au sens social) mais s’intégrer
dans la société binaire tandis que les trans queers voient
dans la binarité l'effacement de leur existence.
Sur ce sujet, la praticienne bute sur la théorie anthropologique
et psychanalytique :
Dans
des cultures autres que la nôtre (…) où des personnes
vivent dans un sexe différent de leur sexe d’origine
(…)
Chiland
en vient à nier toute la psychologie clinique qui postule que
le cerveau est l'organe sexué premier et superpose ici le sexe
biologique (mâle ou femelle) et le sexe d’assignation (garçon,
fille) sans jamais interroger le sexe psychologique et l'identité
de genre de l’enfant tout en indiquant qu’il s’agit
d’un « destin individuel ». L'individu en tant
que personne sociale ne peut être isolé d'un contexte.
Par exemple en Thaïlande, les Katoys -garçons-filles- sont
intégré-es dans la culture ordinaire dans une identité
perspectiviste et non linéaire selon qu'ils se présentent
comme fille ou garçon. Ce qui distingue leur socialité
tient aujourd'hui au changement de sexe au sens moderne du terme. Opposant
les uns et les autres,
Par
opposition avec tous ces cas [les Berdaches, Inuits, Hijras], les
transsexuels dans notre culture ne sont pas désignés
par d’autres, c’est un destin individuel et aucun statut
social n’est prévu pour eux.
Le
féminisme s'est fondé pour cette raison de l'absence de
statut social que Chiland énonce. Typique posture dogmatique
de praticiens plus préoccupés de vision morale et politique
de ce qui est acceptable tout en critiquant passivité et désubjectivation.
L’impossible comparaison (comment comparer deux cultures aussi
différentes que l’Occident moderne et les Amérindiens
par exemple ou les trans et les femmes-féministes) tourne à
court. L'auteure affirmant que les femmes trans ne peuvent être
féministes. Elle se lâche ici, avance du bout de sa plume
: On ne rencontrait pas de transsexuels masculin
vers féminin qui soient féministes jusqu'à une
période récente (…). Aveuglement ou incompétence
? De fait il s’agit d’un destin doublement individuel car
rien n’est prévu socialement. Aucune place, aucun statut.
Ce qui précipite la souffrance psychique.
Bref, donne la priorité à la réponse chirurgicale
au détriment de la résolution sociale que Chiland remarque
dans d’autres sociétés mais en projettant sans discernement
la binarité essentialiste de l’Occident. Il en découle
que
Le
transsexualisme est un phénomène propre à notre
culture. Il a fallu le développement des techniques chirurgicales
et de l’hormonologie pour que soit possible une transformation
corporelle (…)
Le
transsexualisme est réduit au seul changement de sexe chirurgical,
ce qui autorise cette surprenante thèse. L’hormonologie,
comme dans le cas de la contraception féminine, autonomise puissamment
le groupe social des transsexuels. Mais il faut des conditions tout
autre pour qu’un tel groupe social émerge et sorte d’une
domination sociétale et d'une pure survie liée à
un destin individuel/solitaire. Le féminisme essentialiste et
binaire ne peut que se heurter à une telle émergence sociopolitique.
Parler des transsexuels pose typiquement un problème à
tous ces auteurs et praticiens, habitués à écrire
sans se préoccuper nullement de l’impact sur les personnes
et encore moins de l’impact sur la société :
Il
faut dire « les transsexuels ». (…) Il faut d’abord
distinguer les transsexuels masculin vers féminin et les transsexuels
féminin vers masculin. cette manière de parler peut
sembler un peu lourde ; elle est destinée à être
précise sans offenser les transsexuels qui voudraient être
désignés par le point d’arrivée, tandis
qu’on a tendance à les désigner par le point de
départ.
Le
cadre des savoirs est résumé dans cette formulation :
il faut dire rappellant l'analyse de Foucault
qu'il déterminait dans un champ de savoir/pouvoir dans sa formulation
sur la coïncidence sexe-genre binaire : une conduite disciplinaire.
Quant à ce on a tendance…
Qui est ce on ? Qui désigne
? Quelle est cette tendance ? Chiland omet
de préciser qu’il s’agit de sa plume ainsi que de
quelques praticiens autoproclamés experts. L’offense qu’elle
prétend éviter est déjà dans cette manipulation
aveugle. Par ailleurs, de conférences et de débats télévisuels
où les transsexuels sont soigneusement écartés.
On remarquera qu’il n’est pas question d’homme ou
de femme mais de transsexuels dans un cadre binaire où ils n'ont
aucune existence. C.Chiland limite le terme au genre (masculin et féminin)
et non l’identité (femme et homme) tout en affirmant qu’il
s’agit d’un problème « essentiellement identitaire
».
Le reste de l’article repose sur des avis de personnes transsexuelles
qui n’ont en effet pas analysé leur situation dans laquelle
ils et elles sont plongés. Elles sont persuadé-es, comme
l'ensemble de la population, qu’homme et femme sont des faits
de nature. Une population soigneusement placée en référence,
ce comme-tout-le-monde standard et référentiel (sauf lorsque
les trans s'y appuient). Ils demandent logiquement ce « vrai corps
» auquel ils aspirent, superposant comme le fait cette auteure
et la population globale, sexe biologique et sexe social, genre et identité
de genre dans un cadre de socialisation ordinaire constituée
de deux sexes sociaux oppositionnels et complémentaires. Il va
de soi qu'un homme (né mâle et assigné garçon)
et une femme trans n'est pas un couple oppositionnel et complémentaire.
Inutile de demander de quel point de vue. ChacunE comprend ce qu'il/elle
veut/peut comprendre. Ce qui permet une autorisation permanente à
se mêler de la vie intime de personnes, et à n'importe
qui de demander s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, d'une 'transchose'
ou d'un 'machin'.
Ce
"vrai corps" n'est évidemment rien d'autre que le schéma
corporel référentiel sur lequel s'appuie la population
globale. Si le corps constituait schématiquement la variable
la plus importante, ce n'est plus vrai aujourd'hui. La variable la plus
prépondérante est le schéma binaire lui-même.
Un pénis ne fait pas un homme, un vagin ne fait pas une femme.
La fonctionnalité génitale si elle n'est pas vécue
est pure affaire mécanique. Il y faut une transmission d’identité,
une intériorisation et une adhésion vécue de l’enfant
dans cette identité sociale qu’il fait sienne et constitue
cette identité vécue et narrative dans le très
long temps de l’enfance à la maturité adulte. Ce
devenir. Le moindre écart se traduisant par un obstacle narcissique
ou une crise. Que dire ici de ce grand écart ? Chiland en
fait un étendard qui selon elle permet aux transsexuels de justifier
une telle opération qu’elle prend pour une "castration".
Non du sexe physique mais du désir et du plaisir, d'où
le renvoi à une boussole que Chiland finit par perdre et identifier
la différenciation sexuée que la société
met en place à la personne constitutive. En clair, c'est l'homme
qui fait le pénis et la femme le vagin.
La
souffrance (très réelle) des transsexuels justifient ainsi
une compassion spéciale et donc un statut spécial qui,
selon elle constitue l'obstacle même à une psychothérapie,
refusant le titre de psychothérapie au changement hormono-chirgical
et juridique alors même qu'elle en constate les effets bénéfiques
sur les sujets.
Quant à ce que Chiland appelle l’énigme du transsexualisme,
la formulation est lumineuse :
Devant
l’affirmation si lourde de conséquences : « j’appartiens
à l’autre sexe et je veux changer de sexe », le
mouvement d’un certain nombre de médecins est de penser
que ce ne peut être que d’origine biologique.
Bref,
la conviction personnelle des trans suit fidèlement la norme
symbolique, ce "corps vrai" de la socialité dominante
qui énonce ce vrai normatif et fait reposer l'identité
personnelle sur la hiérarchie binaire des identités sociales.
Trop, pense Chiland et avec elle beaucoup d'auteurs, car elle a, comme
femme, en mémoire le schéma hiérarchique qui postulait
qu'une femme n'était une "vraie femme" qu'hétérosexuelle,
mariée et mère de famille. C'est dire que la construction
invisible du vrai corps à des détours bien ancrés
dans l'habitus.
On
ne saurait donner une définition objective du masculin et du
féminin. On peut seulement définir ce que sont l'état
de mâle et de femelle. Le masculin et le féminin sont
des produits d'élaboration sociale (…) produits sociaux
repris dans la fantasmatique individuelle.
Cette
définition n'est en effet pas objective mais normative et forme
dans l'intériorisation les identités. Bref, les trans
sont comme tout-le-monde, ce double produit social et culturel, à
une nuance, ce qu'ils disent est remarquablement
pauvre. Ce qui les distingue déréchef et les ramène
à la pauvreté culturelle du système binaire. Malheureusement,
nul ne critique ce système en tant que tel car cela remettrait
en cause la différence binaire des sexes et plus encore la différenciation
des genres ; entre autre celle de l'auteure. Par exemple, la constante
défense des hommes, Castel en premier, contre la "féminisation
des hommes" et l'écœurante "androgynéisation"
dont Castel fait l'etendard après tant d'autres d'une menace
intérieure, cette fois venue non plus des femmes et leur écœurante
féminisation, mais de ces "hommes-en-femmes". Bref,
des transsexuelles. La fantasmatique singulière et subjective
est écartée par une définition floue et une affirmation
sur ce qu'ils disent… Les identités
queers, androgynes, intergenres, homosexuelles dans ce groupe social
sont-elles pauvres ou trop riches d'une socialité telement ouverte
"que chaque individu est son propre modèle et menacent la
cohérence-cohésion de la société" etmenace
le "fondement de civilisation" (Chiland).
Chiland
a un atout dans sa manche : la boussole du sexe
auquel elle se réfère.
Rencontrer régulièrement
des transsexuels nécessite un travail intérieur pour
conserver la "boussole du sexe", c'est-à-dire une
représentation organisatrice de la "différence
sexuelle" (…).
Une
boussole binaire. C'est-à-dire le système des deux sexes
sociaux que nous connaissons auquel les transsexuels se réfèrent,
constituant précisément le cœur de leur identité
à l'instar de chacun. La formulation tient ici à la superposition
essentialiste dans ce principe d'organisation binaire. Celui de l’appartenance
à un sexe social, mais dans un cadre binaire exclusif et exhaustif.
Chiland en remarque les linéaments :
L'expérience
que des hommes qui ne sont pas des mâles s'identifient aux valeurs
masculines et paternelles de notre culture de teme manière
qu'on a le sentiment profond d'être en face d'un homme.
Idem
pour les femmes trans ou plutôt ces femmes
qui ne sont pas des femelles. Quel rapport avec la prostitution
? Aucun. La focale ici n'est plus sur le sexe comme principe organisateur
central des identités mais le système de normes et de
valeurs qui définit, adjoint aux identités sociale du
comportement de genre, compose ce corpus/corps vrai. Il en découlerait
pour ces personnes un désir constitutif de changement de sexe
au sens physiologique du terme (et non biologique : on ne change pas
biologiquement de sexe). Dans une telle superposition essentialiste,
il n’est pas question de remettre ici en cause le lien triangulaire
mâle-homme-masculinité, femelle-femme-féminité.
Et donc la relation entre le sexe social et le genre vécu. Or
chaque variation dans l’un des termes (dont l’intersexuation
que l’Occident opère sans s’occuper le moins du monde
de leurs identités en propre) modifie sensiblement ou ouvertement
la relation aux autres termes et donc la relation avec l’environnement,
ses conditions et contraintes et donc la socialisation et les normes
de genre ordinaire. S’il était question un temps de l’histoire
de l’individu en propre, elle disparaît ici dans la relation
entre la personne transsexuelle considérée comme un patient
et le psychothérapeute sans aucun regard sur la socialisation
qui permettrait à des personnes de trouver une résolution
autre. Par exemple, les identités androgyne, multiple, indéterminée,
transgenre que Chiland range dans la catégorie "divers",
allusion non assumée, ainsi que le terme de trouble d’identité
sexuée, fidèle en cela au DSM-IV, sans examen du cadre
de société comme du cadre de théorie. Il en découle
cette surprenante conclusion :
On
peut et on doit garder le regret de n’avoir pas (pas encore)
trouvé un moyen d’aider les transsexuels autre que la
réassignation hormono-chirurgicale de sexe. « Changer
ce qu’il a dans la tête », comme le disent
certains transsexuels eux-mêmes, ce qui protégerait mieux
leur santé et conserverait la continuité de leur identité
narrative, c’est-à-dire le récit qu’ils
se font de leur histoire, sans avoir besoin de l’amputer.
Autre
que la réassignation. En un mot, surtout ne changeons rien. Je
parle de conversion sexuée désormais
et non de réassignation pour distinguer la démarche rendue
nécessaire en raison de l'appartenance binaire sociodéterminante.
Qu'est-ce qui pourrait être la solution/résolution majeure
? Le changement de société, passant d'un régime
binaire exclusifà un régime multiple où l'identité
réelle des individus est au centre des régulations socioculturelles,
politiques et sexelles. Bref, tout ce que Chiland évite. Lorsqu’il
s’agit de traiter les conditions de suicides des transsexuels
comme des intersexes, aucune aide ne leur ait apportée. Les conditions
de santé n’intéressent pas. Changer
ce qu’il y a dans la tête est l’argument préféré
de cette auteure dans quasiment tous ces articles plus que dans la bouche
de certains transsexuels. Curieux contre-transfert et lapsus éclairant.
Pas un instant n’est remis en cause l’opération des
intersexes et nul ne pense même à leur poser la question.
Parmi les réponses que l'on m'a données, la plus courante
: "c'est la nature, une erreur de nature"… Il s'agit
donc bel et bien de plier la "nature" à ce schéma
binaire du corps vrai. La question de savoir qu'est-ce donc qu'un corps
reste donc posée.
Chiland
ne croit pas à la résolution chirurgicale puisque l’intégration
dans ce nouveau sexe social lui paraît une idée
folle et l’idée d’un troisième sexe
social est étranger à sa pensée. Elle valide pourtant
sans examen l’opération des intersexes ; or un certain
nombre ont une identité intergenre (mon interview avec C. Hinkle)
tout comme des transexes, la plupart se vouant à l’égal
de beaucoup de transsexes dans la logique du "vrai corps".
Le mouvement transgenre constitue une alternative militante. Face à
l’indifférence généralisée ou face
à un modèle qui ne veut pas d’eux (cette absence
de statut et de place sociale tant remarquée). Alternative zappée
ici alors qu'elle constitue précisément la proposition
de Chiland mais elle n'est pas assumée. Les queers et transgenres
modifient des conditions de l’environnement, notamment dans l’analyse
des normes et l’examen critique de l’inégalité
des genres et des ethnies, dans la préférence à
une intégration marginale réfléchie et introspective
mais surtout assumée. Ils analysent les préjugés
et discriminations sociales et culturelles légitimant de telles
prises de pouvoir sur des personnes isolées dans une histoire
qu’ils ne comprennent pas et créent des conflits psychiques
et psychologiques insupportables. Entre autre, débusquant des
manipulations permanentes sur des individus souffrants que cette auteure
transforme en délirants souffreuteux s’inventant l’illusion
de ce "vrai corps". Thèse partagée avec P. Mercader.
Chiland sait mieux que ces sujets ce qu’ils vivent et comment
ils le vivent : elle a une théorie toute prête, l’essentialisme
dans une culture universelle dont les identités sont naturalisées
au point de s’identifier et se constituer à un corps-surface
à partir du seul sexe visible, sans faire la part des choses
entre sexe biologique, identité de genre, sexe social, genre
de préférence, orientation sexuelle, identité sociale.
Elle parle de santé psychique et refuse de voir que la totalité
des suicides sont faits par des personnes isolées et désespérées
et non du fait du transsexualisme lui-même. Elle parle du «
récit qu’ils se font de leur histoire » sans réaliser
qu’elle parle en permanence à leur place et que ce récit
est leur histoire au sens de leur existence et non une histoire qu’ils
se racontent pour valider une « conviction d’être
de l’autre sexe », comme elle l’affirme.
Ces conditions étant, comment des personnes mutilées psychiquement
dans leur développement personnel
et social pourraient-ils s’ancrer dans une telle histoire alors
qu’aucune résolution sociale n’est accordée
et ne le sera vraisemblablement pas avant longtemps, voire jamais ?
Comment ancrer une histoire avec une telle rupture dans une théorie
linéaire du développement, sans tenir compte de cette
rupture et des conditions de cette rupture tout en ayant une vie équilibrée
dans une société qui les enjoint à faire disparaître
une telle transition ?
Pour beaucoup de trans, il s’agit surtout de vivre dans le sexe
social le pus proche, le plus confortable et le plus viable et ceci
constitue désormais la transidentité et la transsocialité
à même de changer ce qu’il y a dans les têtes
binaires vaniteuses et orgueilleuses.
L’auteure sort en permanence de son rôle de psychothérapeute
de deux manières. Même intégrés, les anciens
patients de cette praticienne sont toujours considérés
ainsi ; secondairement, en se constituant comme gardienne de normes
et de conduites normales dans un examen tellement exagéré
qu’il en est délirant de ce qu’elle nomme ses trois
composantes. Extrait de la composante transvestie :
2/
La composante transvestie caractérise les sujets mâles.
Dès l’enfance, le garçon a un amour très
particulier des cheveux longs, des étoffes, qu’il caresse
avec un plaisir orgastique. Le patient ne demande pas seulement à
être une femme, il veut être la plus belle femme, séduite
tous les hommes. Il veut de gros seins. Il se lance dans de multiples
interventions de chirurgie. Cette composante est présente dans
la pornographie.
Une
image tellement ahurissante qu'elle a provoqué le fou-rire chez
nombre de trans à la lecture de telles inepties. Mais on retrouve
ce type de description, plus ou moins nuancé chez des féministes
universitaires comme I. Lowy (L'emprise du genre et son dictionnaire
sur la domination masculine).
En
un mot, la description des travailleuses du sexe telles que l'on peut
les voir dans le cinéma pornographique ou dans les lieux de prostitution.
Une surféminité fantasmatique "pour attirer le chaland"
telle que la voit l'industrie du sexe et beaucoup d'hommes, ces <translovers>
ou <bitophiles> plus amoureux de leur sexe-image. Chiland ne verraient-elles
donc que des fantasmes au lieu de personnes ? Bref l'auteure se confronte
à un objet-miroir de sa haine refoulée et transférée,
non à des personnes.
Chiland
se prétend féministe et se défend en permanence
d'offenser ou d'insulter quiconque. Si l’on affirmait de telles
inepties, la critique serait brutale car les femmes doivent aujourd’hui
encore se défendre d’un tel mépris injurieux qui
les désignerait comme autrefois à la vindicte ou à
la soumission ordinaires. toutes les femmes trans ont eu justement à
se déendre de l'infériorisation des femmes et du féminin.
L'intégration des ex-transsexuels n'est sans doute pas un éclairage
mais un encouragement à leur conviction
(…) rendant impossible tout travail psychothérapeutique.
Ce qui précisément constitue un autre volet de la maltraitance
théorique débordant totalement la pratique psy de travail
nécessaire à l'équilibre de patients. Beaucoup
de trans ont effectué une psychothérapie : celle-ci ne
constitue nullement un échec mais un travail de débroussaillage
nécessaire. L’auteure y ajoute une composante de maltraitance
sociale. Pas un instant, il n’est question d’identification
à des objets, signes ou indices (les cheveux longs, vêtements)
mais de plaisir orgastique. La critique
d’une telle identification stéréotypée, classiquement
féministe contre la société patriarcale est retournée
contre les trans et particulièrement les transsexuelles, typiquement
dans un vol/viol de la féminité et reconductrices de celle-ci.
Lorsque les trans signifient que ces avis les violent/violentent, Chiland
retourne cet argument en signifiant leur colère, signe de leur
désordre ou de leur virilité… Les filles [nées
femelles et éduquées en filles] ont-elles un tel plaisir
orgastique, une virilité ? Pourquoi tant de femmes aujourd’hui
ne renient-elles pas la féminité (comme produit culturel)
produite par les hommes pour leur plaisir ? Comment des féministes
en viennent à se retourner contre d'autres femmes et notamment
des femmes trans, les accusant entre autre et sous le couvert (ou non)
de disciplines psy (ou autres) de maux contre les femmes. Manifestement,
l'on ne parvient pas à dissocier femme et féminité,
masculiné et homme tout en soulignant l'importance comme le fait
Chiland à propos des travaux de Margaret Mead.
Pourquoi
tant de femmes ont-elles tant recours aujourd’hui à la
même chirurgie d’implants mammaires ? Est-ce la même
féminité selon un même et unique sens ? Peut-on
impunément reposer sans cesse de telles questions et jusqu’où
dans une généralisation hâtive dont on sait aujourd’hui
l’empressement idéologique et ses aspects politiques sous-jacents
toujours suspects ? La critique de Bourdieu dans sa critique des intellectuels
qu’il appelait des techniciens sociaux n’est pas loin dans
cette volonté de normaliser sous des dehors de normalité
ambiance de moins en moins naturelle… La relation entre le désir
de gros seins (à tout le groupe alors cette demande est limitée,
nombre de transsexuelles réinvestissent leur masculinité,
se définissent dans un champ androgyne ou queer en réfléchissant
la rupture dans leur existence) et la pornographie rappelle le cadre
: cet article est inséré dans un ouvrage sur la pornographie.
Aucun examen de la demande masculine sur les transsexuelles (avec des
gros seins ou non) n’est faite et les conditions de la pratique
pornographique dans la population transsexuelle et transgenre ne sont
pas analysés. Il en découle cet effarant traité
transphobe désignant ce groupe à l’opprobre morale.
La plupart des transsexuelLes inséréEs dans la société
critiquent la pornographie, y voyant tous les stigmates associés
de la femme et de la féminité additionnés des stigmates
sur la question transsexuelle que ces auteures et praticiens invalident
dans un aveuglement théorique et personnel. Sur cette critique,
aucun mot.
Chiland
en vient à rejeter la résolution du Parlement européen
du 12 septembre 1989 sur le chapitre de l’aide à l’autodiagnostic
préconisé entre la personne transsexuelle et le médecin
sur un plan d’égalité où la parole est respectée
favorisant une introspection au bénéfice de la personne
trans' quelque soit sa résolution personnelle. Rappelons ici
qu’il s’agit d’équilibre entre des individus
et la société dans une régulation d’intégration
la plus viable possible. Dans cette relation d’équilibre
instable aujourd’hui, nul n’est à l’abri et
plus que jamais, paradoxalement, au moment où le mouvement transgenre
prend son autonomie théorique et politique, les transsexuels
sont isolés.
Le seul rapport entre cet ouvrage sur la pornographie et le transsexualisme
est donc cette auteure elle-même et ceci constitue une troisième
maltraitance dépassant le strict cadre des deux premières,
plus grave et en même temps constitutive des deux premières
: morale, éthique et philosophique.
A
lire en complément : Tom Reucher sur le concept de maltraitance
théorique, développé par Françoise Sironi
Maltraitance
théorique et enjeux contemporains de la psychologie clinique.
Résumé : Dans cet article, l'auteur introduit un nouveau
concept, celui de maltraitance théorique. Il sert à caractériser
d'une part l'inadéquation des théories avec lesquelles
les problématiques cliniques contemporaines sont pensées,
d'autre part l'inadéquation des pratiques avec lesquelles nous
prétendons traiter les patients par la psychothérapie.
Une illustration de la maltraitance théorique sera donnée
au travers de l'analyse du concept d'universalité. La maltraitance
théorique a des lieux d'émergence précis, notamment
les lieux d'interfaces entre les mondes culturels. Elle a des conséquences
directement visibles non seulement sur les patients, mais également
sur les cliniciens. Le cynisme professionnel ainsi que la fatigue professionnelle
(burn out) seront analysés dans cette optique. Pour finir, l'auteur
fera un certain nombre de propositions théoriques et méthodologiques
découlant de l'approche ethnopsychiatrique, en guise de solution
possible au dépassement de la fabrication de problématiques
iatrogènes. (T. Reucher)
http://syndromedebenjamin.free.fr
(textes/articles)
http://www.ethnopsychiatrie.net/
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