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Du cadre des savoirs

 

C. Chiland, le discours de la psychanalyse essentialiste


Article d’une auteure féministe, philosophe puis psychanalyste, ayant écrit un grand nombre d'article, livres, prolongeant une maltraitance théorique (F.Sironi) intégrée.

Article (Transsexualisme) dans l'ouvrage Dictionnaire de la pornographie,sous la direction de Philippe Di Folco, Ed. PUF, 2004 - Préface, J-C. Carrière

 


Une analyse des termes de cette maltraitance théorique permettra de pointer les conditions de son exercice et les difficultés de ce groupe social inhérentes à cet exercice.
D’emblée, le premier paragraphe pose le cadre de cet exercice.


On voit à la télévision des transsexuels qui acceptent de parler de leur problème, voire qui se donnent en spectacle. C’est une image infidèle des patients qu’on reçoit en consultation, et qui cherchent une issue de leur souffrance dans la discrétion et l’incognito. Le grand public se trouve ainsi conduit à assimiler ceux que les consultants appellent transsexuels et des personnes diverses – travestis, transvestis, militants transgenre.


Le premier tri repose sur la distinction entre grand public et trans ; le second entre transsexuels et personnes diverses. Le second tri repose sur la distinction entre télévision assimilée à du spectacle et la socialisation ordinaire et l’incognito. Ce second tri repose sur une activation sociopsychologique des conditions conflictuelles entre les personnes catégorisées en divers sous-groupes (transsexuels, travestis, etc.) de facto. De fait, les conflits entre ces divers sous-groupes au sens sociologique du terme sont très vivaces car entretenus artificiellement, y compris par cette télévision narcissique. Un troisième tri oppose spectacle et discrétion. Une discrétion bienvenue masquant une domination que permet une permanente réécriture de leur histoire.

Cette télévision est vivement critiquée et analysée par les militants, qu’ils soient transsexuels, transgenres ou travestis mais aucune télévision n’offre actuellement un cadre permettant le temps de l’analyse des conditions de maltraitance théorique et sociopolitique.
L’ensemble de la phrase est typique d’un regard prétendument neutre (celui de « consultants ») sensée apporter une analyse objective, apte à apporte une réponse satisfaisante au problème du transsexuel (et lui seul) et le guérir. La consultation discrète et l’intégration incognito (anonyme ?) sont sensées apporter le cadre de cette réponse.

La suite de l’article indique le cadre théorique sous-jacent de l’analyse du transsexualisme compris comme psychopathologie et réduit au seul changement de sexe. Ce cadre est la théorie de la différence des sexes compris comme structure universelle de détermination des identités et constituant un invariant, socle de toute société et socle du développement compris comme socle de l’humanité. Il découle de ceci les postulats de base enserrant cet objet en le rendant si particulier et doué d’une si « étrange familiarité » :

Il a probablement toujours existé des personnes qui refusaient le sexe qui leur avait été assigné à la naissance, sans qu’il s’agisse d’intersexuation patente (…)

Ce n’est pas le sexe qui est assigné à la naissance (c’est-à-dire mâle ou femelle) mais l’identité de genre, c’est-à-dire fille ou garçon et engageant les enfants dans un devenir en droite ligne vers l’identité femme ou homme ou, à l’inverse, en ligne inverse de la différenciation selon le sexe : les identités trans, androgynes, multiples, intersexe et intergenre. Mais Chiland comme tant d’auteurs et praticiens se réfèrent à un modèle binaire avec pour seul invariant le sexe biologique (et non le sexe social) qu’ils pensent universel et doivent postuler ce « probablement » sans aucun examen. Par ailleurs, une opposition formelle entre intersexuation (au sens biologique) et transsexualité (au sens psychique et sociopychologique). Bref, l’on compare des objets incomparables.

Le refus du sexe d'assignation signifie en effet une transgression sociale mais cette transgression porte sur le statut de la norme dominante et en aucun cas, elle signifie un refus du réel. Or cet argument a souvent été utilisé pour étayer une construction d'une psychopathologie plus morale et idéologique que médicale.
La même confusion opère entre des personnes identifiées à un « troisième sexe » que l’auteur qualifie si justement de situations particulières, sans aucun lien avec la socialité binaire. Dans la société Amérindienne, la socialité n’est pas binaire mais multiple. Typiquement, les Berdaches ont longtemps été interprétés comme des homosexuels passifs et effeminés par l'Occident, voire récupéré par des historiens homosexuels (lire Pat Califia, le mouvement transgenre). Le terme même d’effeminé est un préjugé culturel entretenant le sexisme et l’inégalité ordinaires et renvoyant à un modèle prépathologique. Ce qui permet cette exception distinguant les "transsexuels" et les "divers" : les trans binaires sont égalemen cisgenre et ne veulent pas d’un troisième sexe (au sens social) mais s’intégrer dans la société binaire tandis que les trans queers voient dans la binarité l'effacement de leur existence.
Sur ce sujet, la praticienne bute sur la théorie anthropologique et psychanalytique :

Dans des cultures autres que la nôtre (…) où des personnes vivent dans un sexe différent de leur sexe d’origine (…)

Chiland en vient à nier toute la psychologie clinique qui postule que le cerveau est l'organe sexué premier et superpose ici le sexe biologique (mâle ou femelle) et le sexe d’assignation (garçon, fille) sans jamais interroger le sexe psychologique et l'identité de genre de l’enfant tout en indiquant qu’il s’agit d’un « destin individuel ». L'individu en tant que personne sociale ne peut être isolé d'un contexte. Par exemple en Thaïlande, les Katoys -garçons-filles- sont intégré-es dans la culture ordinaire dans une identité perspectiviste et non linéaire selon qu'ils se présentent comme fille ou garçon. Ce qui distingue leur socialité tient aujourd'hui au changement de sexe au sens moderne du terme. Opposant les uns et les autres,

Par opposition avec tous ces cas [les Berdaches, Inuits, Hijras], les transsexuels dans notre culture ne sont pas désignés par d’autres, c’est un destin individuel et aucun statut social n’est prévu pour eux.

Le féminisme s'est fondé pour cette raison de l'absence de statut social que Chiland énonce. Typique posture dogmatique de praticiens plus préoccupés de vision morale et politique de ce qui est acceptable tout en critiquant passivité et désubjectivation. L’impossible comparaison (comment comparer deux cultures aussi différentes que l’Occident moderne et les Amérindiens par exemple ou les trans et les femmes-féministes) tourne à court. L'auteure affirmant que les femmes trans ne peuvent être féministes. Elle se lâche ici, avance du bout de sa plume : On ne rencontrait pas de transsexuels masculin vers féminin qui soient féministes jusqu'à une période récente (…). Aveuglement ou incompétence ? De fait il s’agit d’un destin doublement individuel car rien n’est prévu socialement. Aucune place, aucun statut. Ce qui précipite la souffrance psychique. Bref, donne la priorité à la réponse chirurgicale au détriment de la résolution sociale que Chiland remarque dans d’autres sociétés mais en projettant sans discernement la binarité essentialiste de l’Occident. Il en découle que

Le transsexualisme est un phénomène propre à notre culture. Il a fallu le développement des techniques chirurgicales et de l’hormonologie pour que soit possible une transformation corporelle (…)

Le transsexualisme est réduit au seul changement de sexe chirurgical, ce qui autorise cette surprenante thèse. L’hormonologie, comme dans le cas de la contraception féminine, autonomise puissamment le groupe social des transsexuels. Mais il faut des conditions tout autre pour qu’un tel groupe social émerge et sorte d’une domination sociétale et d'une pure survie liée à un destin individuel/solitaire. Le féminisme essentialiste et binaire ne peut que se heurter à une telle émergence sociopolitique. Parler des transsexuels pose typiquement un problème à tous ces auteurs et praticiens, habitués à écrire sans se préoccuper nullement de l’impact sur les personnes et encore moins de l’impact sur la société :

Il faut dire « les transsexuels ». (…) Il faut d’abord distinguer les transsexuels masculin vers féminin et les transsexuels féminin vers masculin. cette manière de parler peut sembler un peu lourde ; elle est destinée à être précise sans offenser les transsexuels qui voudraient être désignés par le point d’arrivée, tandis qu’on a tendance à les désigner par le point de départ.

Le cadre des savoirs est résumé dans cette formulation : il faut dire rappellant l'analyse de Foucault qu'il déterminait dans un champ de savoir/pouvoir dans sa formulation sur la coïncidence sexe-genre binaire : une conduite disciplinaire. Quant à ce on a tendance… Qui est ce on ? Qui désigne ? Quelle est cette tendance ? Chiland omet de préciser qu’il s’agit de sa plume ainsi que de quelques praticiens autoproclamés experts. L’offense qu’elle prétend éviter est déjà dans cette manipulation aveugle. Par ailleurs, de conférences et de débats télévisuels où les transsexuels sont soigneusement écartés. On remarquera qu’il n’est pas question d’homme ou de femme mais de transsexuels dans un cadre binaire où ils n'ont aucune existence. C.Chiland limite le terme au genre (masculin et féminin) et non l’identité (femme et homme) tout en affirmant qu’il s’agit d’un problème « essentiellement identitaire ».
Le reste de l’article repose sur des avis de personnes transsexuelles qui n’ont en effet pas analysé leur situation dans laquelle ils et elles sont plongés. Elles sont persuadé-es, comme l'ensemble de la population, qu’homme et femme sont des faits de nature. Une population soigneusement placée en référence, ce comme-tout-le-monde standard et référentiel (sauf lorsque les trans s'y appuient). Ils demandent logiquement ce « vrai corps » auquel ils aspirent, superposant comme le fait cette auteure et la population globale, sexe biologique et sexe social, genre et identité de genre dans un cadre de socialisation ordinaire constituée de deux sexes sociaux oppositionnels et complémentaires. Il va de soi qu'un homme (né mâle et assigné garçon) et une femme trans n'est pas un couple oppositionnel et complémentaire. Inutile de demander de quel point de vue. ChacunE comprend ce qu'il/elle veut/peut comprendre. Ce qui permet une autorisation permanente à se mêler de la vie intime de personnes, et à n'importe qui de demander s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, d'une 'transchose' ou d'un 'machin'.

Ce "vrai corps" n'est évidemment rien d'autre que le schéma corporel référentiel sur lequel s'appuie la population globale. Si le corps constituait schématiquement la variable la plus importante, ce n'est plus vrai aujourd'hui. La variable la plus prépondérante est le schéma binaire lui-même.
Un pénis ne fait pas un homme, un vagin ne fait pas une femme. La fonctionnalité génitale si elle n'est pas vécue est pure affaire mécanique. Il y faut une transmission d’identité, une intériorisation et une adhésion vécue de l’enfant dans cette identité sociale qu’il fait sienne et constitue cette identité vécue et narrative dans le très long temps de l’enfance à la maturité adulte. Ce devenir. Le moindre écart se traduisant par un obstacle narcissique ou une crise. Que dire ici de ce grand écart ? Chiland en fait un étendard qui selon elle permet aux transsexuels de justifier une telle opération qu’elle prend pour une "castration". Non du sexe physique mais du désir et du plaisir, d'où le renvoi à une boussole que Chiland finit par perdre et identifier la différenciation sexuée que la société met en place à la personne constitutive. En clair, c'est l'homme qui fait le pénis et la femme le vagin.

La souffrance (très réelle) des transsexuels justifient ainsi une compassion spéciale et donc un statut spécial qui, selon elle constitue l'obstacle même à une psychothérapie, refusant le titre de psychothérapie au changement hormono-chirgical et juridique alors même qu'elle en constate les effets bénéfiques sur les sujets.
Quant à ce que Chiland appelle l’énigme du transsexualisme, la formulation est lumineuse :

Devant l’affirmation si lourde de conséquences : « j’appartiens à l’autre sexe et je veux changer de sexe », le mouvement d’un certain nombre de médecins est de penser que ce ne peut être que d’origine biologique.

Bref, la conviction personnelle des trans suit fidèlement la norme symbolique, ce "corps vrai" de la socialité dominante qui énonce ce vrai normatif et fait reposer l'identité personnelle sur la hiérarchie binaire des identités sociales. Trop, pense Chiland et avec elle beaucoup d'auteurs, car elle a, comme femme, en mémoire le schéma hiérarchique qui postulait qu'une femme n'était une "vraie femme" qu'hétérosexuelle, mariée et mère de famille. C'est dire que la construction invisible du vrai corps à des détours bien ancrés dans l'habitus.

On ne saurait donner une définition objective du masculin et du féminin. On peut seulement définir ce que sont l'état de mâle et de femelle. Le masculin et le féminin sont des produits d'élaboration sociale (…) produits sociaux repris dans la fantasmatique individuelle.

Cette définition n'est en effet pas objective mais normative et forme dans l'intériorisation les identités. Bref, les trans sont comme tout-le-monde, ce double produit social et culturel, à une nuance, ce qu'ils disent est remarquablement pauvre. Ce qui les distingue déréchef et les ramène à la pauvreté culturelle du système binaire. Malheureusement, nul ne critique ce système en tant que tel car cela remettrait en cause la différence binaire des sexes et plus encore la différenciation des genres ; entre autre celle de l'auteure. Par exemple, la constante défense des hommes, Castel en premier, contre la "féminisation des hommes" et l'écœurante "androgynéisation" dont Castel fait l'etendard après tant d'autres d'une menace intérieure, cette fois venue non plus des femmes et leur écœurante féminisation, mais de ces "hommes-en-femmes". Bref, des transsexuelles. La fantasmatique singulière et subjective est écartée par une définition floue et une affirmation sur ce qu'ils disent… Les identités queers, androgynes, intergenres, homosexuelles dans ce groupe social sont-elles pauvres ou trop riches d'une socialité telement ouverte "que chaque individu est son propre modèle et menacent la cohérence-cohésion de la société" etmenace le "fondement de civilisation" (Chiland).

Chiland a un atout dans sa manche : la boussole du sexe auquel elle se réfère.

Rencontrer régulièrement des transsexuels nécessite un travail intérieur pour conserver la "boussole du sexe", c'est-à-dire une représentation organisatrice de la "différence sexuelle" (…).

Une boussole binaire. C'est-à-dire le système des deux sexes sociaux que nous connaissons auquel les transsexuels se réfèrent, constituant précisément le cœur de leur identité à l'instar de chacun. La formulation tient ici à la superposition essentialiste dans ce principe d'organisation binaire. Celui de l’appartenance à un sexe social, mais dans un cadre binaire exclusif et exhaustif. Chiland en remarque les linéaments :

L'expérience que des hommes qui ne sont pas des mâles s'identifient aux valeurs masculines et paternelles de notre culture de teme manière qu'on a le sentiment profond d'être en face d'un homme.

Idem pour les femmes trans ou plutôt ces femmes qui ne sont pas des femelles. Quel rapport avec la prostitution ? Aucun. La focale ici n'est plus sur le sexe comme principe organisateur central des identités mais le système de normes et de valeurs qui définit, adjoint aux identités sociale du comportement de genre, compose ce corpus/corps vrai. Il en découlerait pour ces personnes un désir constitutif de changement de sexe au sens physiologique du terme (et non biologique : on ne change pas biologiquement de sexe). Dans une telle superposition essentialiste, il n’est pas question de remettre ici en cause le lien triangulaire mâle-homme-masculinité, femelle-femme-féminité. Et donc la relation entre le sexe social et le genre vécu. Or chaque variation dans l’un des termes (dont l’intersexuation que l’Occident opère sans s’occuper le moins du monde de leurs identités en propre) modifie sensiblement ou ouvertement la relation aux autres termes et donc la relation avec l’environnement, ses conditions et contraintes et donc la socialisation et les normes de genre ordinaire. S’il était question un temps de l’histoire de l’individu en propre, elle disparaît ici dans la relation entre la personne transsexuelle considérée comme un patient et le psychothérapeute sans aucun regard sur la socialisation qui permettrait à des personnes de trouver une résolution autre. Par exemple, les identités androgyne, multiple, indéterminée, transgenre que Chiland range dans la catégorie "divers", allusion non assumée, ainsi que le terme de trouble d’identité sexuée, fidèle en cela au DSM-IV, sans examen du cadre de société comme du cadre de théorie. Il en découle cette surprenante conclusion :

On peut et on doit garder le regret de n’avoir pas (pas encore) trouvé un moyen d’aider les transsexuels autre que la réassignation hormono-chirurgicale de sexe. « Changer ce qu’il a dans la tête », comme le disent certains transsexuels eux-mêmes, ce qui protégerait mieux leur santé et conserverait la continuité de leur identité narrative, c’est-à-dire le récit qu’ils se font de leur histoire, sans avoir besoin de l’amputer.

Autre que la réassignation. En un mot, surtout ne changeons rien. Je parle de conversion sexuée désormais et non de réassignation pour distinguer la démarche rendue nécessaire en raison de l'appartenance binaire sociodéterminante. Qu'est-ce qui pourrait être la solution/résolution majeure ? Le changement de société, passant d'un régime binaire exclusifà un régime multiple où l'identité réelle des individus est au centre des régulations socioculturelles, politiques et sexelles. Bref, tout ce que Chiland évite. Lorsqu’il s’agit de traiter les conditions de suicides des transsexuels comme des intersexes, aucune aide ne leur ait apportée. Les conditions de santé n’intéressent pas. Changer ce qu’il y a dans la tête est l’argument préféré de cette auteure dans quasiment tous ces articles plus que dans la bouche de certains transsexuels. Curieux contre-transfert et lapsus éclairant. Pas un instant n’est remis en cause l’opération des intersexes et nul ne pense même à leur poser la question. Parmi les réponses que l'on m'a données, la plus courante : "c'est la nature, une erreur de nature"… Il s'agit donc bel et bien de plier la "nature" à ce schéma binaire du corps vrai. La question de savoir qu'est-ce donc qu'un corps reste donc posée.

Chiland ne croit pas à la résolution chirurgicale puisque l’intégration dans ce nouveau sexe social lui paraît une idée folle et l’idée d’un troisième sexe social est étranger à sa pensée. Elle valide pourtant sans examen l’opération des intersexes ; or un certain nombre ont une identité intergenre (mon interview avec C. Hinkle) tout comme des transexes, la plupart se vouant à l’égal de beaucoup de transsexes dans la logique du "vrai corps".
Le mouvement transgenre constitue une alternative militante. Face à l’indifférence généralisée ou face à un modèle qui ne veut pas d’eux (cette absence de statut et de place sociale tant remarquée). Alternative zappée ici alors qu'elle constitue précisément la proposition de Chiland mais elle n'est pas assumée. Les queers et transgenres modifient des conditions de l’environnement, notamment dans l’analyse des normes et l’examen critique de l’inégalité des genres et des ethnies, dans la préférence à une intégration marginale réfléchie et introspective mais surtout assumée. Ils analysent les préjugés et discriminations sociales et culturelles légitimant de telles prises de pouvoir sur des personnes isolées dans une histoire qu’ils ne comprennent pas et créent des conflits psychiques et psychologiques insupportables. Entre autre, débusquant des manipulations permanentes sur des individus souffrants que cette auteure transforme en délirants souffreuteux s’inventant l’illusion de ce "vrai corps". Thèse partagée avec P. Mercader.
Chiland sait mieux que ces sujets ce qu’ils vivent et comment ils le vivent : elle a une théorie toute prête, l’essentialisme dans une culture universelle dont les identités sont naturalisées au point de s’identifier et se constituer à un corps-surface à partir du seul sexe visible, sans faire la part des choses entre sexe biologique, identité de genre, sexe social, genre de préférence, orientation sexuelle, identité sociale. Elle parle de santé psychique et refuse de voir que la totalité des suicides sont faits par des personnes isolées et désespérées et non du fait du transsexualisme lui-même. Elle parle du « récit qu’ils se font de leur histoire » sans réaliser qu’elle parle en permanence à leur place et que ce récit est leur histoire au sens de leur existence et non une histoire qu’ils se racontent pour valider une « conviction d’être de l’autre sexe », comme elle l’affirme.
Ces conditions étant, comment des personnes mutilées psychiquement dans leur développement personnel
et social pourraient-ils s’ancrer dans une telle histoire alors qu’aucune résolution sociale n’est accordée et ne le sera vraisemblablement pas avant longtemps, voire jamais ? Comment ancrer une histoire avec une telle rupture dans une théorie linéaire du développement, sans tenir compte de cette rupture et des conditions de cette rupture tout en ayant une vie équilibrée dans une société qui les enjoint à faire disparaître une telle transition ?


Pour beaucoup de trans, il s’agit surtout de vivre dans le sexe social le pus proche, le plus confortable et le plus viable et ceci constitue désormais la transidentité et la transsocialité à même de changer ce qu’il y a dans les têtes binaires vaniteuses et orgueilleuses.
L’auteure sort en permanence de son rôle de psychothérapeute de deux manières. Même intégrés, les anciens patients de cette praticienne sont toujours considérés ainsi ; secondairement, en se constituant comme gardienne de normes et de conduites normales dans un examen tellement exagéré qu’il en est délirant de ce qu’elle nomme ses trois composantes. Extrait de la composante transvestie :

2/ La composante transvestie caractérise les sujets mâles. Dès l’enfance, le garçon a un amour très particulier des cheveux longs, des étoffes, qu’il caresse avec un plaisir orgastique. Le patient ne demande pas seulement à être une femme, il veut être la plus belle femme, séduite tous les hommes. Il veut de gros seins. Il se lance dans de multiples interventions de chirurgie. Cette composante est présente dans la pornographie.

Une image tellement ahurissante qu'elle a provoqué le fou-rire chez nombre de trans à la lecture de telles inepties. Mais on retrouve ce type de description, plus ou moins nuancé chez des féministes universitaires comme I. Lowy (L'emprise du genre et son dictionnaire sur la domination masculine).

En un mot, la description des travailleuses du sexe telles que l'on peut les voir dans le cinéma pornographique ou dans les lieux de prostitution. Une surféminité fantasmatique "pour attirer le chaland" telle que la voit l'industrie du sexe et beaucoup d'hommes, ces <translovers> ou <bitophiles> plus amoureux de leur sexe-image. Chiland ne verraient-elles donc que des fantasmes au lieu de personnes ? Bref l'auteure se confronte à un objet-miroir de sa haine refoulée et transférée, non à des personnes.

Chiland se prétend féministe et se défend en permanence d'offenser ou d'insulter quiconque. Si l’on affirmait de telles inepties, la critique serait brutale car les femmes doivent aujourd’hui encore se défendre d’un tel mépris injurieux qui les désignerait comme autrefois à la vindicte ou à la soumission ordinaires. toutes les femmes trans ont eu justement à se déendre de l'infériorisation des femmes et du féminin. L'intégration des ex-transsexuels n'est sans doute pas un éclairage mais un encouragement à leur conviction (…) rendant impossible tout travail psychothérapeutique. Ce qui précisément constitue un autre volet de la maltraitance théorique débordant totalement la pratique psy de travail nécessaire à l'équilibre de patients. Beaucoup de trans ont effectué une psychothérapie : celle-ci ne constitue nullement un échec mais un travail de débroussaillage nécessaire. L’auteure y ajoute une composante de maltraitance sociale. Pas un instant, il n’est question d’identification à des objets, signes ou indices (les cheveux longs, vêtements) mais de plaisir orgastique. La critique d’une telle identification stéréotypée, classiquement féministe contre la société patriarcale est retournée contre les trans et particulièrement les transsexuelles, typiquement dans un vol/viol de la féminité et reconductrices de celle-ci. Lorsque les trans signifient que ces avis les violent/violentent, Chiland retourne cet argument en signifiant leur colère, signe de leur désordre ou de leur virilité… Les filles [nées femelles et éduquées en filles] ont-elles un tel plaisir orgastique, une virilité ? Pourquoi tant de femmes aujourd’hui ne renient-elles pas la féminité (comme produit culturel) produite par les hommes pour leur plaisir ? Comment des féministes en viennent à se retourner contre d'autres femmes et notamment des femmes trans, les accusant entre autre et sous le couvert (ou non) de disciplines psy (ou autres) de maux contre les femmes. Manifestement, l'on ne parvient pas à dissocier femme et féminité, masculiné et homme tout en soulignant l'importance comme le fait Chiland à propos des travaux de Margaret Mead.

Pourquoi tant de femmes ont-elles tant recours aujourd’hui à la même chirurgie d’implants mammaires ? Est-ce la même féminité selon un même et unique sens ? Peut-on impunément reposer sans cesse de telles questions et jusqu’où dans une généralisation hâtive dont on sait aujourd’hui l’empressement idéologique et ses aspects politiques sous-jacents toujours suspects ? La critique de Bourdieu dans sa critique des intellectuels qu’il appelait des techniciens sociaux n’est pas loin dans cette volonté de normaliser sous des dehors de normalité ambiance de moins en moins naturelle… La relation entre le désir de gros seins (à tout le groupe alors cette demande est limitée, nombre de transsexuelles réinvestissent leur masculinité, se définissent dans un champ androgyne ou queer en réfléchissant la rupture dans leur existence) et la pornographie rappelle le cadre : cet article est inséré dans un ouvrage sur la pornographie. Aucun examen de la demande masculine sur les transsexuelles (avec des gros seins ou non) n’est faite et les conditions de la pratique pornographique dans la population transsexuelle et transgenre ne sont pas analysés. Il en découle cet effarant traité transphobe désignant ce groupe à l’opprobre morale. La plupart des transsexuelLes inséréEs dans la société critiquent la pornographie, y voyant tous les stigmates associés de la femme et de la féminité additionnés des stigmates sur la question transsexuelle que ces auteures et praticiens invalident dans un aveuglement théorique et personnel. Sur cette critique, aucun mot.

Chiland en vient à rejeter la résolution du Parlement européen du 12 septembre 1989 sur le chapitre de l’aide à l’autodiagnostic préconisé entre la personne transsexuelle et le médecin sur un plan d’égalité où la parole est respectée favorisant une introspection au bénéfice de la personne trans' quelque soit sa résolution personnelle. Rappelons ici qu’il s’agit d’équilibre entre des individus et la société dans une régulation d’intégration la plus viable possible. Dans cette relation d’équilibre instable aujourd’hui, nul n’est à l’abri et plus que jamais, paradoxalement, au moment où le mouvement transgenre prend son autonomie théorique et politique, les transsexuels sont isolés.


Le seul rapport entre cet ouvrage sur la pornographie et le transsexualisme est donc cette auteure elle-même et ceci constitue une troisième maltraitance dépassant le strict cadre des deux premières, plus grave et en même temps constitutive des deux premières : morale, éthique et philosophique.

 

A lire en complément : Tom Reucher sur le concept de maltraitance théorique, développé par Françoise Sironi

Maltraitance théorique et enjeux contemporains de la psychologie clinique. Résumé : Dans cet article, l'auteur introduit un nouveau concept, celui de maltraitance théorique. Il sert à caractériser d'une part l'inadéquation des théories avec lesquelles les problématiques cliniques contemporaines sont pensées, d'autre part l'inadéquation des pratiques avec lesquelles nous prétendons traiter les patients par la psychothérapie. Une illustration de la maltraitance théorique sera donnée au travers de l'analyse du concept d'universalité. La maltraitance théorique a des lieux d'émergence précis, notamment les lieux d'interfaces entre les mondes culturels. Elle a des conséquences directement visibles non seulement sur les patients, mais également sur les cliniciens. Le cynisme professionnel ainsi que la fatigue professionnelle (burn out) seront analysés dans cette optique. Pour finir, l'auteur fera un certain nombre de propositions théoriques et méthodologiques découlant de l'approche ethnopsychiatrique, en guise de solution possible au dépassement de la fabrication de problématiques iatrogènes. (T. Reucher)

http://syndromedebenjamin.free.fr (textes/articles)

http://www.ethnopsychiatrie.net/

 

 

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