Colloque

 

Colloque - Montpellier - 2007

 

La transparentalité

 


Le cadre

En préalable, je dirai qu’il est manifestement le sujet orphelin du débat sur les transidentités et les intersexualités. Or ce sujet condense les limites que pose la conception binaire et oppositionnelle de l’identité et plus largement des rapports sociaux de sexe et de genre. Tant que la conception binaire régulait la conception du transsexualisme, l’on reste sur une transition à sens unique, véritable parenthèse exceptionnelle. Dès que l’on quitte le mode binaire pour un mode multiple, le transsexualisme (au sens de changer de sexe) devient une figure parmi d’autres de changements de genre et, avec cette nouvelle acception purgée des disqualifications et impossibilités discursives, la transparentalité apparaît. J’ai repéré plusieurs points de ce débat de réflexion et pistes de recherche :


1) dans le traitement général qui prévaut en matière de « population globale » duquelle se distinguerait des « minorités », a fortiori des « minorités sexuelles », catégorie morale fourre-tout tenant lieu de politique des identités à l’instar de la politique de l’immigration ; qu’est ce qui justifie cette distinction de minorité ?
2) dans le discours quotidien comme psychanalytique qui en est fait et notamment les tenants du protocole psychiatrique ; on a longtemps trié les uns des autres en posant que les gens mariés et avec enfants ne pouvait pas être trans : le sujet de la parentalité a disparu sous cette oppression travestie en intégration.
3) la transparentalité invalide le thème de la désocialisation, de l’errance et de la marginalité (thème qui avait permis de valider la pathologisation) ;
4) l’accès aux PMA aux personnes trans ;
5) ce sujet oblige à repenser la sexualité « trans » indépendamment du clivage homo et hétérosexualité ainsi que la coliaison cisgenre : ce sujet déconstruit la causalité binaire entre identité sexuelle et identité de genre ;
6) réexamine les relations entre transidentités et le lien social qui reste fondé sur un mode binaire ;
7) l’éducation des enfants ;
8) la question de l’assignation fixe à la naissance comme règle intangible.


Ce sujet vient donc remettre en question tous les points considérés comme des piliers de la vie humaine et la question de la définition de l’humanité. Faire douter de ce point comme je l’ai maintes fois constaté nous rappelle comment l’on teste ce type d’idées afin de les valider politiquement le cas échéant. Ce sujet permet de souligner trois points en particulier contribuant à cette impossibilité discursive :


1) les tenants de la vision psychiatrisante selon lesquels une personne mariée ayant procréée ne répond pas aux critères du transsexualisme « vrai » ou « secondaire » ;
2) la thèse sociopolitique selon laquelle le transsexualisme vient menacer l’instance de la famille et l’éducation des enfants ; une éducqtion selon un modèle multiple à X genres sociaux est possible ; chose que nous savions déjà avec les enfants intersexes quant ceux-ci échappent à la mutilation sexuelle et développent une identité intergenre ;
3) le point principal reste la thèse naturaliste selon laquelle l’identité se forme à partir du corps-sexe biologique.


Sur la famille, notion politique s’il en est, le seul fait de parler de transsexualisme comme d’homosexualité, l’invaliderait. On voit là la fonction sociale de triage plus politique que psychiatrique. Cela se construit de plusieurs manières.


Au cours du trajet :
1) dans le tri entre personnes non mariées et mariées ; face à cette contrainte, les personnes trans ont écarté elles-mêmes la réalité même de la famille ;
2) dans le tri entre personnes ayant procréé ou non ;
3) Nombre quittent leur conjoint et enfants pour effectuer leur trajet.


En fin de trajet :
1) l’obligation légale de divorcer pour pouvoir changer de papiers d’identité au Tribunal de Grande Instance. Dans le cas inverse, nous aurions des couples homosexuels mariés.


Après le trajet :
1) la difficulté, voire l’impossibilité d’adoption
2) le rappel du passé lors de simples opérations administratives. Par exemple, le renouvellement de la carte d’identité.


Nous sommes obligées régulièrement de faire retour sur notre passé et de le dévoiler dans le même temps qu’on exige de nous d’être discret-es sur ce passé ; de se comporter comme des femmes ou des hommes tout en nous désignant sous ce vocable considéré comme humiliant et psychiatrisant.
La génération précédente, ayant intériorisé le moule binaire dans ses contraintes d’assimilation que reprend intégralement les critères du protocole psychiatrique, a fait en sorte de minimiser ou de faire disparaître l’impact d’un mariage et la présence d’enfants, acceptant une vie marginalisée par défaut du moment que celle-ci fut temporaire, uniquement soumis à la transition vécue comme une parenthèse vite refermée. Du moins selon un souhait lié à la triple contrainte d’intégration, de conformité et de normalité sous le sceau d’une « vie en commun ». Cette génération a sacrifié -entre autres- ses désirs d’enfants. Or, la famille est le symbole le plus fort et à juste titre de cette vie en commun sacrifiée autant pour ne pas y entrer et effectuer en solitaire un difficile trajet que, à l’inverse, y entrer et s’y trouver enfermer.
En bref, changer de sexe ou fonder une famille, prendre le risque de la marginalité ou s’assimiler dans le modèle social familial.
La transparentalité montre que l’on peut fonder une famille et vivre une transition. Notre ambition était donc de replacer, via le sujet de la transparentalité, le sujet des transidentités et montrer en quoi, tout en maintenant les instances constituant la vie en commun -comme la famille, le lien social, l’éducation et la transmission d’identité- celles-ci sont profondément interrogées et le cas échéant, renouvelées.


La question de la définition dans le transsexualisme


J’ai voulu revenir sur la question de la définition « standard » sensé expliquer l’ét at normal des états pathologiques. La définition du transsexualisme se résume à un « sexe opposé à /en contradiction avec le genre ».
Définition sur laquelle est construit l’ensemble de l’étayage essentialiste, voire naturaliste, et avec elle la conception ordinaire de l’identité. Au fond, l’identité, c’est cette liaison sexe et genre, cette coïncidence sexe-genre opposée à une rupture sexe-genre. De manière plus précise, la psychiatrisation s’est étayée sur cette définition qualifiée d’universelle et objective, la formulation psychiatrique étant», la « rupture entre le sexe et le genre » pour justifier le concept de « trouble psychique ».
Deux remarques d’importance :


1/ on a une définition ordinaire et universelle et une définition de l’exception trans. Une coïncidence sexe-genre, qualifiée de naturelle, et une rupture sexe-genre, qualifiée de pathologique ;
2/ on présuppose un lien insécable entre le sexe et le genre tout en professant que l’on ne naît pas mais que l’on devient, il est évident que l’on a beaucoup de mal avec cette voie philosophique qui va à l’encontre, est contre-intuitif, de la naturalisation-essentialisation de l’identité.


Le premier tenant de l’hypothèse naturaliste est l’assignation du genre au sexe. Constatant le sexe (mâle ou femmelle), nous donnons par tradition un genre à l’enfant (garçon ou fille). Cette tradition est l’assignation du genre au sexe. L’anthropologie nous a montré que cette assignation peut être distincte selon les cultures, mais l’Occident binaire continue d’assigner selon cette tradition, ce modèle d’identité que nous appelons un mode cisgenre (homme masculin, femme féminine) et d’en affirmer l’universalité discursive. Dans cette opération d’assignation, nous posons une linéarité sociopsychique entre l’assignation et le devenir : Les garçons deviennent des hommes et les filles des femmes. L’exception transsexe en tant que rupture sexe-genre saute aux yeux. L’exception transgenre est beaucoup plus difficile à systématiser. Les enfants intersexes sont une autre exception. Une exception à double titre : ce n’est pas une assignation de genre au sexe (ou le sexe est l’invariant) mais une assignation de sexe au genre où c’est l’identité de genre qui est l’invariant. L’antécédence du sexe dans la tradition binaire-cisgenre est remplacée par une antécédence du genre qui vient justifier la réassignation sexuelle.
L’idée d’une pathologie repose au mieux sur la croyance ordinaire d’un noyau objectif, originaire que vient constater l’assignation de genre au sexe. Or l’assignation ne constate pas une naissance, elle créé une identité de genre (fille ou garçon) auquelle elle ajoute un genre (masculin ou féminin). Elle greffe un genre à une sexuation si bien que nous postulons une unité insécable qui n’existe pas si nous ne la créons pas lors de ce rituel d’assignation. Je parle de genre social pour parler de l’identité-homme et femme, et j’ajoute de l’identité-intergenre, trans, androgyne, lesbienne, butch, autres… et non de sexe social se référant à l’hypothèse naturaliste. Ce faisant, je donne à l’assignation à la naissance sa portée rituelle de venue, d’accueil et de nomination au monde : c’est un garçon, une fille, unE intersexe et cet enfant pourra se construire comme garçon au lieu de fille, fille au lieu de garçon, intergenre au lieu de fille ou garçon, androgyne au lieu de… bref, je sors de l’assignation fixée et linéaire une fois pour toutes. C’est la diversité reconnue des identités contre la thèse de la différence sociohistorique des sexes.
Les arguments de contre-nature comme celui de rupture entre le sexe et le genre compris comme fait objectif, autonome des individus, tombent d’eux-mêmes. Il n’y a de rupture sexe-genre que parce que nous conceptualisons culturellement un noyau sexe-genre : précisément cette essence qui, partant de la sexuation et l’assignation, constitue le futur individu de l’extérieur. L’Occident rationaliste n’a que faire de la subjectivité dans la construction de l’identité tout en parlant d’épanouissement, d’introspection, de découverte de soi. Il présuppose (ou espère) le développement d’une subjectivité naturalisée dans un cadre culturel d’assignation. On comprend que la coliaison entre le fait sociocuturel de l’assignation-éducation et le fait subjectif du développement soit si étroit, coexistant mutuellement. Ce fait majeur implique en outre une linéarité sociopsychique entre fille-femme ou garçon-homme. Or, ceci est un schéma socioculturel global impliquant très fortement la reproduction sociale.
L’hypothèse naturelle est, en fait, un mode et une tradition d’assignation. La nature n’y est strictement pour rien. Nous ne sommes pas des mâles ou des femelles mais des garçons, des filles avec un devenir linéaire ou non linéaire. Seul le devenir linéaire semble aujourd’hui encore acceptable. Or de quoi parlons-nous ? D’identité. J’ai défini l’assignation à un genre comme un rituel de venue au monde, d’entrée dans l’humanité : à chaque naissance, nous ajoutons un garçon ou une fille à l’humanité, non un corps mâle, femelle ou intersexué. Nous en avons fait une imposition à valeur objective et scientifique en sus d’une valeur sociohistorique, alors qu’il s’agit d’un rituel socioculturel. La binarité homme/femme, masculin/féminin est un fait historique, totalement construit, et non un invariant universel et objectif, intangible et autonome de la culture humaine.
Je maintiens donc l’assignation au sens rituel de venue au monde et je lui laisse sa portée transformatrice de devenirs futurs afin que chaque individuation trouve son unicité propre, son unité subjective et sociale. S’il y a une essence de l’individu, elle est dans la construction transformatrice du vécu. L’identité fixe donnée à la naissance est une bonne idée mais philosophiquement un concept erroné.


Dans ce débat, on peut se poser au moins deux questions relatives à la transidentité :


- où sont les identités trans, inter et androgyne dans notre société ; quelles places pour ces identités, sous quelles formes et expressions, quels genres, quelles identités de genre, quels comportements sociaux ces personnes adoptent-elles face à la logique d’intégration de la binarité dominante ? quelles filiations narratives en sachant l'absence de place dans la société ?
- la résolution actuelle du transsexualisme par les traitements médico-chirurgicaux et la régulation juridique (changement de sexe social et de papiers d'identité) aurait-elle toujours lieu dans une socialité ouverte de X genres sociaux où les changements de genre et de sexe sont des options collectives culturellement acceptés ?


Nous pouvons aujourd’hui commencer à répondre à ces questions en observant l’actuelle révolution transidentitaire qui s’ancre dans la révolution philosophique de de Beauvoir, le féminisme sociopolitique et le mouvement homosexuel. La parentalité trans, intersexe, homosexuelle, et la débinarisation des identités sont ces réponses culturelles.

 

 

 

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