Interventions

 

Colloque

 

Stigma-queer

Nice 13/06/07

Intervention Karine Espineira


Ayant vécu dans le genre masculin et féminin, suis-je en mesure de dire ce qu'est un homme ou une femme ou serai-je plutôt en mesure de discourir sur le savoir-être et-ou devoir-être masculin ou féminin ?

 

La succession des mouvements sociaux et leur couverture médiatique a posé tout au long des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix la question de la « spectacularisation » de la démocratie, et de la représentation des groupes dits minoritaires. Une première hypothèse serait désormais de considérer que la télévision crée de la culture de groupe et par conséquent qu’elle serait susceptible d’inventer une télévisualité à ces minorités pour s’intéresser aux groupes sociaux dits minoritaires parce que sous représentés, voire discriminés car tels seraient les enjeux de ces faits de sociétés dont il faudrait débattre sur la scène publique.


Faut-il orienter l’analyse sur l’évolution des médias et des « mentalités » ? Reformuler des énoncés et des places d’énonciation ? Devons nous envisager de nouvelles formes de cultures politiques conscientes du pouvoir des médias ou bien à un alignement des cultures associatives sur le modèle médiatico-politique dominant ? Pourquoi et comment un groupe discriminé devient acceptable, vecteur de mode et porteur d’une culture propre médiatisable, transmissible ? Et par quelles étapes et représentations ces « minorités » désignées et auto désignées doivent-elles transiter pour passer, influençant et cultivant à leur tour leur image ? De la levée de l’homosexualité comme délit en 1981 à Pink TV, il y a 26 ans. Quelle est la nature des changements des énoncés sociaux ? L’exposition publique télévisuelle est-elle dé-discriminante ? Que peut-on dire spécifiquement de la question des identités ?


On pourrait s’intéresser particulièrement aux cultures minoritaires de genre, à la culture transsexuelle et transgenre comme forme la plus singulière de l’expression identitaire au-delà de sa formulation individuelle. Peut-on émettre l’hypothèse que l’affirmation identitaire collective remet en cause des réalités et des vérités surplombantes par processus de naturalisation/dénaturalisation qui reforment le corps social ?


L’opération de changement de sexe de Lili Elbe en 1930 en Allemagne, fait entrer la transsexualité dans sa forme moderne, celle que j’appelle le transsexualisme chirurgical lié aux progrès de la médecine. Mais c’est avec l’opération de Christine Jorgensen en 1952 au Danemark, que le « fait qu’un homme puisse devenir une femme » après une intervention chirurgicale entre dans l’esprit du grand public en raison de sa très forte médiatisation. Mais les identités trans’ sont encore loin de s’affirmer en tant que telles. Il faudra attendre la fin des années quatre-vingt-dix pour assister à cette visibilité prenant une forme revendicative. Entre les deux, la psychiatrisation de l’identité.


L’une de mes hypothèses est qu’une société binaire va privilégier à travers ses médias la transidentité la plus rassurante, celle qui sort des cabinets de psychiatrie ou qui va enrichir le système symbolique majoritaire validant peut-être illusoirement l’idée d’une société homogène et généreuse. Tandis que la transidentité politiquement subversive va devoir lutter comme minorité dans la minorité même. Cette dernière minorité est quoi qu’il en soit mieux armée face à la discrimination et génère de nouveaux savoirs, de nouveaux apports culturels.


Avec Internet, les transidentités ne sont plus isolées les unes des autres et ne rejouent plus la dramatique du changement de sexe comme une éternelle première fois. Une mémoire s’élabore, se fixe et génère une culture. Leurs relations à l’information et l’identitaire questionnent tout autant.


La recherche doit-elle viser à considérer le groupe transidentitaire comme un monde social s’institutionnalisant dans un esprit multidisciplinaire à la lumière des sciences de l’information et de la communication, de la psychosociologie, de l’ethnométhodologie, de la sociologie de la traduction et de la communication instituante, des sciences sociales en général ? Comment les disciplines dites « psy » peuvent-elles se réapproprier du sujet autrement que par le prisme de la relation thérapeute patient, ou tout simplement du surplomb de la pathologisation ? Sur le terrain, le trajet dit transsexuel n’est plus un trajet solitaire effectué à la marge. Il est devenu un trajet porté collectivement au vu des ressources engagées. Si individuellement la personne sollicite soutien et information, c’est un groupe et un réseau qui se mobilisent désormais. Nier l’existence de ses relations nouvelles ou même renoncer à l’existence d’une sociabilité trans’ n’est ce pas se couper d’un terrain de recherche susceptible de nous apporter non seulement une meilleure compréhension sur la façon dont les mondes sociaux ne cessent de se créer, d’observer l’institutionnalisation d’un projet personnel en projet collectif ?


Pour conclure sur ce que m’inspire ce protocole tel qu’il se présente à l’heure actuelle, une analogie me vient à l’esprit. Le cabinet du psychiatre pour la personne dite transsexuelle me fait penser à la pièce En attendant Godot . Les personnages (psy et trans) sont en lieu neutre. Pour assumer tant bien que mal une situation difficile dont on ignore la cause (le transsexualisme), ils attendent quelque chose l'un de l'autre (montrez votre conviction, prouvez-moi… , pour l'un ; donnez-moi le certificat, reconnaissez-moi, autorisez l'opération…, pour l'autre) et meublent l'attente de petits riens (des avis du psy ; le récit d'une histoire personnelle…) Qui est qui ? Le cabinet comme lieu de l'absence, de l'inexistence, où seule la parole permet à l'action (également inexistante) de persister, à des individus sans identité (acceptable) d’exister. Des identités trans’ s’engagent sur d’autres chemins, et la psychiatrie sait finalement peu de choses de ces routes empruntées par ceux et celles qui n’ont nul besoin d’elle pour s’affirmer.


Psy et trans’ ont inventé une histoire dont chacun sait le stéréotype, le dénonçant parfois même, mais dont ils en sont les co-auteurs. Et personne ne sait comment sortir de ce piège abscond.

 

Biographie

BOURCIER Marie-Hélène
« Sexpolitiques, Queer Zones 2 », La Fabrique, 2005 ; « Queer Zones, politiques des identités sexuelles, des représentations et des savoirs », Balland, 2001.
ESPINEIRA Karine
« Transidentité et télévision, invention d’un transsexualisme télévisuel (en attente de publication) » ; La représentation des cultures de genre (transsexe et transgenre dans l’espace public et télévisuel, mémoire de Master 2 Recherche, sous la direction de Françoise BERNARD, université de Provence 2007.
REUCHER Tom
Ethnopsychiatrie, théorie queer et « transsexualisme » (syndrome de Benjamin): Pratiques Cliniques, Mémoire de DESS de psychologie clinique et pathologique sous la direction de Françoise SIRONI, Université´ de Paris 8, juin 2002.
GIL DE MURO Florence
Discours d’expertise et production de la maladie mentale dans la phase d’observation du protocole transsexuel, Mémoire de Master 1 de Sociologie sous la direction de Daniel WELZER-LANG, Toulouse, septembre 2006.

 

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