Article
Le Temps 07/01/2006
Non,
la chirurgie ne constitue pas la seule issue à l'ambivalence
sexuelle. Histoire d'un trajet atypique.
Anna Lietti
Samedi 7 janvier 2006
C'est l'histoire d'un homme devenu homme à 40 ans. Avant cela,
Louis*, né garçon, était déjà mari
et père de trois enfants, mais c'était «pour donner
le change»: intérieurement, il se sentait femme.
C'est aussi l'histoire d'un choix. A un moment de son histoire, Louis
était un transsexuel acquis à la conviction que la seule
issue à son mal-être était l'opération qui
le transformerait, physiquement, en femme. Pourtant, avant de s'abandonner
au bistouri, il a décidé de mettre sa décision
à l'épreuve en s'adressant à un thérapeute
connu dans le milieu comme «l'empêcheur de transsexualiser
en rond».
Le psychiatre, psychothérapeute et sexologue genevois Dominique
Chatton est l'«importateur» en Suisse de l'Approche sexocorporelle
développée au Canada par Jean-Yves Desjardins (LT 11.5.04).
Lorsque Louis a frappé à sa porte, voici trois ans, il
travaillait à la mise au point, avec l'aide de son maître
canadien, d'une thérapie sexologique adaptée aux transsexuels
«qui acceptent d'envisager une autre issue que l'opération».
Louis est un des premiers patients issus de cette thérapie. Et
un de ses premiers succès. On s'en persuade quand l'intéressé
vous explique ce qui a changé en lui. Non seulement il dit: «Je
n'ai plus de doute sur le fait d'être un homme.» Mais aussi:
«Aujourd'hui, j'ai un corps. Avant, il n'existait pas.»
Si Louis a accepté de raconter son parcours, ce n'est pas pour
prêcher la reconversion au sexe d'origine pour tous les transsexuels.
Plutôt pour témoigner du fait que ceux qui balancent entre
masculin et féminin sont aujourd'hui soumis à la pression
inverse: l'idée est en train de s'imposer que le bistouri constitue
la seule réponse à l'ambivalence sexuelle.
«Dans le «milieu trans», vivre sa différence,
et donc se faire opérer, est devenu un mot d'ordre», note
Louis. C'est le corollaire du discours identitaire, qui a permis aux
transsexuels de sortir de l'insoutenable solitude subie jus-qu'ici.
Mais la posture du «j'suis comme ça» recèle
un piège, ajoute Dominique Chatton: «Elle suppose qu'on
est biologiquement déterminé et qu'on n'a pas le choix
de se vivre autrement.» L'histoire de Louis prouve que, dans certains
cas au moins, le choix reste ouvert.
«Pourquoi ne suis-je pas une fille?»
Louis s'est senti mal dans sa peau dès l'âge de 8 ans.
Il n'aimait pas jouer au foot, détestait se rouler dans l'herbe
avec les copains. D'ailleurs, il n'en avait pas. «Je n'étais
pas, comme les homosexuels, attiré par les garçons. Je
m'identifiais aux filles: je me sentais agressé quand les garçons
se moquaient d'elles et la question qui m'angoissait était: pourquoi
n'en suis-je pas une?»
Sur le plan physique pourtant, il n'y avait aucune ambiguïté.
Contrairement aux personnes chez qui le sexe biologique est mal défini,
Louis répondait à la définition du transsexuel:
parfaitement outillé pour être un garçon, il était
fille dans sa tête.
Ce déchirement, il l'a vécu absolument seul jusqu'à
l'âge adulte: son environnement familial était un glacis
de conventions et de silence. Une mère «inexistante»,
écrasée par un père «craint et adulé»:
froid, silencieux, monumental. Un père qui hante encore les cauchemars
de Louis, évoquant des images de violences dont il ne sait toujours
pas dire si elles sont réelles ou rêvées. De toute
façon, résume-t-il, «il s'est passé des choses
suffisamment graves pour que je perde, à jamais, ma confiance
en ces gens-là». Bien des années plus tard, lorsque
Louis a décidé de ne plus cacher sa transsexualité,
il a écrit à son père pour l'inviter au dialogue:
«J'ai eu droit, en guise de réponse, à des citations
de Kant. Il n'entrera pas en matière, c'est sans espoir.»
Vers 13 ans, Louis réalise qu'il n'est pas seul dans son cas
et met un nom sur son mal-être, en voyant un documentaire à
la télévision. Simultanément, il reçoit
un message sans équivoque quant à la solution qui s'offre
à lui: «C'était un reportage sur le parcours d'un
transsexuel. Le film ne laissait pas de place au doute: pour être
heureux, il fallait se faire opérer.»
Double vie
A 29 ans, Louis se marie. «J'ai voulu régler le problème
de cette manière. C'était une grave erreur.» Le
couple aura trois enfants. «Dans leurs relations sexuelles, explique
Dominique Chatton, elle était très active. Lui a fait
ses enfants sur le dos, en s'imaginant être une femme.»
Il vivait «une distorsion de la perception», et l'originalité
de la thérapie a consisté à comprendre comment,
concrètement, cette distorsion était rendue possible par
la manière très particulière que Louis utilisait
pour s'exciter sexuellement.
Mari et femme trouvent un semblant d'équilibre dans le renversement
des rôles: «J'ai beaucoup abdiqué, et notamment dans
mon rôle de père, face à une femme masculine»,
dit Louis.
Pendant quelques années, il sera homme le jour, femme la nuit,
à l'insu de sa famille. «Dès que les enfants étaient
couchés et que mon épouse avait tourné les talons,
je m'habillais et sortais en femme. J'arrivais à être deux
personnes différentes sans que personne s'en aperçoive.
Il a fallu que j'en parle pour que cela se sache.»
1996. Louis explique la situation à sa femme. Elle se ferme comme
une huître: «Débrouille-toi pour te faire soigner,
m'a-t-elle dit, je ne veux rien savoir.» Louis trouve compréhension
et appui dans le «milieu trans», abordé via l'Internet
naissant. C'est là, dans les soirées entre copines, qu'il
entend parler pour la première fois du docteur Chatton, alors
directeur de l'unité de sexologie aux Hôpitaux universitaires
de Genève: «N'y va pas, m'a-t-on dit: il va tout faire
pour que tu restes un homme! C'est parce qu'il faisait peur à
tout le monde que je suis allé le voir. J'avais des pensées
contradictoires. Je me disais: quoi qu'il me raconte, je deviendrai
une femme. Mais aussi: je vais enfin savoir qui je suis. En fait, je
voulais assurer mes arrières en mettant mon choix à l'épreuve.
Il y a quand même beaucoup de suicides parmi les transsexuels
opérés. Je n'avais pas non plus envie de finir prostituée:
ce n'est pas l'image que je me fais d'une femme.»
Naissance d'un pénis
Finalement, Louis n'entreprendra une thérapie avec Dominique
Chatton que plusieurs années plus tard, en 2002. «Il m'a
dit: peut-être qu'au bout du compte vous vous ferez opérer.
Mais je vous propose d'essayer autre chose.»
Louis sort alors d'un crash professionnel qui, ajouté au reste,
l'a amené au bord du suicide. Il a par ailleurs entamé
une psychothérapie. Le sexologue, lui, dispose d'un nouvel outil
thérapeutique qui lui donne l'impression d'avoir enfin une alternative
convaincante à proposer à ses patients transsexuels.
«L'approche psychothérapeutique classique, explique-t-il,
se concentre sur le psychisme et les causes supposées de l'ambivalence
sexuelle. Je n'étais pas satisfait par ses résultats:
je considérais qu'elle n'offrait pas de moyens efficaces de changement
et qu'on se contentait d'exclure les «mauvais candidats»
à une réassignation hormono-chirurgicale du sexe. L'Approche
sexocorporelle n'exclut pas d'éventuelles origines psychiques
mais elle prend en compte le corps, et plus particulièrement
la génitalité des patients. Quels que soient les facteurs
déclencheurs de leur état, les transsexuels ont en effet
une caractéristique commune: ils sont peu enracinés physiquement,
surtout dans leurs organes génitaux. Nous leur offrons une «pédagogie»
pour les aider à vaincre cette phobie.» Louis: «Il
m'a expliqué que, pour être un homme, il faut être
ancré sur son pénis. Moi, mon pénis, moins j'en
entendais parler, mieux c'était...»
Concrètement, Louis se retrouve tous les jours devant le miroir
de sa salle de bains à faire ses «exercices» de toucher.
Dur. «Au début, j'avais envie de vomir. Et longtemps je
me suis dit: ça ne marche pas, son truc. Et puis un jour, le
déclic s'est fait. J'ai vécu quelque chose comme un développement
sexuel en accéléré, comme si je m'appropriais des
compétences que j'aurais dû acquérir depuis longtemps.
Progressivement, mon corps est devenu une réalité intégrée
à ma vie. Pour la première fois, j'ai eu la sensation
d'avoir un poids.» En tout, la thérapie a duré un
peu moins de deux ans.
Dominique Chatton précise qu'elle n'est pas de tout repos: «Lorsque
l'inversion de perception s'est faite sur les organes génitaux,
mon patient a eu une crise anxio-dépressive, assortie d'idées
suicidaires: il ne pouvait plus reculer, mais avait très peur
d'avancer. C'est une thérapie pénible, que l'on n'aborde
pas à la légère. Il faut avoir une structure de
personnalité relativement solide et un engagement fort.»
«Un sens à ma vie»
«Je suis un mec et je trouve ça agréable, dit aujourd'hui
Louis. J'ai plaisir à regarder les femmes sans me projeter en
elles, à me sentir bien dans ma peau.»
Mais tout n'est pas devenu simple pour autant. Le plus dur, c'est ce
sentiment de vide, comme après un deuil: «J'étais
un monomaniaque: le rêve de devenir femme remplissait mon existence.
J'ai dit adieu à la chimère qui, pendant trente ans, m'a
fait avancer. Je dois retrouver un sens à ma vie.»
Louis se console en se disant que, pour ceux qui se sont fait opérer,
la question du «et après?» se pose aussi. Et qu'elle
s'ajoute à d'autres inconvénients auxquels il a échappé.
La solution chirurgicale suppose une castration, une stérilisation,
la prise de médicaments à vie et une importante mutilation
de la fonction d'excitation sexuelle, rappelle Dominique Chatton.
Non, Louis n'a aucun doute sur la pertinence de son choix. Il se demande
seulement par où commencer pour reconstruire sa vie. D'abord,
il lui faudra probablement divorcer. Car le fait qu'il soit devenu un
homme n'a pas miraculeusement réparé son couple: «Ma
femme était la personne la plus proche de moi, elle ne m'a pas
soutenu. Nous ne sommes plus sur la même route.» Or, aujourd'hui,
Louis désire vraiment partager sa vie avec une femme, il ne peut
plus se contenter de côtoyer une partenaire en malentendu.
En chantier aussi, son rapport avec ses enfants de 6, 9 et 10 ans, auxquels
il n'a jamais parlé de son problème. «Notre relation
a changé, je trouve plus facile d'assumer mon rôle et j'adore
les week-ends où nous sommes seuls. Pour la première fois
de ma vie, il y a quelques mois, j'ai joué au foot avec l'aîné.»
Pour affronter le futur, Louis a désormais un atout majeur: «J'ai
appris à dire «non». Des deux personnes que j'étais
avant, la première, celle qui faisait semblant d'être un
homme, en était incapable. La femme le pouvait, mais rageusement.
Aujourd'hui, je suis devenu une troisième personne, différente
des deux premières, et je sais dire «non» plus sereinement.»
Pour ce qui est de la thérapie qu'il a suivie, Louis n'a qu'une
amélioration à suggérer: «L'idéal
serait qu'elle soit dispensée dans le cadre d'une équipe
pluridisciplinaire, qui offrirait aussi un appui à la reconstruction.»
Dominique Chatton acquiesce: «Ceux qui sortent de là ont
un sacré blues. Ils ont besoin d'un accompagnement.»
Mais, d'un autre côté, Louis admet qu'il en a un peu marre
des traitements en tout genre. Et qu'il n'aspire qu'à voler de
ses propres ailes. D'ailleurs: «La décision de suivre ce
traitement a été, de ma vie, la première que j'ai
prise de manière véritablement autonome.» A 43 ans,
il en a devant lui quelques autres. Comme tout un chacun.
*Prénom fictif.
Réponses à cet
article
Ma
lecture suite à cet article sans perpective comparative de toutes
les personnes concernées par la transidentité et, en particulier
ce qui fait la différence entre uneidentité transgenre
et une identité transsexuelle dans une
perspective binaire. Le premier examen montre deux choses :
-un cas ne suffit pas à expliquer l'ensemble de la problématique
trans dans son ensemble ;
-
le cas de "louis" est typique de personnalités transgenres
qui vient se greffer sur une problématique transsexuelle mais
ne parvient pas à en assumer toute la portée ; il en découle
typiquement les propos que Louis fait de la communauté transsexxuelle
qui se voit accuser d'entraîner des gens dans leur histoire. Cela
peut être le cas d'une personne, non le fait de groupes ou association.
De ce biais découle tout le propos.
Or,
Louis n'est pas un transsexuel selon sa propre demande/autodiagnostic.Le
second biais important tient à la validité des postulats
sociaux sous-jacents à une lecture sur les identités dans
leur rapport à la majorité et/ou à un groupe que
cette majorité auto-assigne à une marginalité et/ou
une minorité
sexuelle.
Là encore, le biais est si important qu'il justifie d'avance
une lecture assignant et invisibilisant entièrement une identité
subjective à une identité sociale que cette personne ne
vit manifestement pas.
La lecture binaire des sexes-genres permet l'exception transsexuelle
et donc cette césure transsexuelle sur le mode d'une rupture
décrétée pathologique; en clair, on décrète
une pathologie transsexuelle qu'il faut guérir, soit sous la
forme d'une réassignation hormono-chirurgicale, soit sous la
forme d'une psychothérapie rejettant la résolution préécédente,
par ailleurs, présentée comme le must incontournable pour
les intersexes sans aucun examen de leur psychisme.
il en découle que le modèle binaire essentialiste est
le seul modèle réel qui vaille ; l'examen des préjugés
sur l'homosexxualité et le travestissement indique par ailleurs
que le modèle binaire identitaire se double d'un modèle
de l'hétérosexualité naturelle et normative.
Aucune
étude longitudinale sur le vécu des personnes transgenres
et transsexuelles ne vient cadrer l'examen de ce cas. Le transsexualisme
est régit par une hypothèse pathologique et rien ne vient
mettre en cause cette thèse, y compris le fait que transsexes
et transgenres assumant leur identité et leur vécu, vivent
comme tout un chacun, malgré la dimension binaire exclusive dans
laquelle ils et elles ne se reconaissent pas nécessairement.
La théorie queer (ou constructiviste) qui remet en cause l'approche
naturaliste et essentialiste et qui permettrait à ces sujets
de trouver un équilibre psychique et social n'est pas même
mentionné. Par ailleurs, l'examen ethnologique des sociétés
et des identités ternaires (Amérindiens, Katoys de Thaîlande…)
n'est pas plus mentionné. Or, cet exxamen a invalidé l'approche
pathologique pour une remise en cause de l'hypothèse essentialiste
stricte.
L'absence de perspective dans cet article est étonnant, faisant
peser une démarche de médecin soucieux de l'équilibre
réel d'une personne en demande, un soupçon de malhonnêté
intellectuelle
Ce qui, dans ce cas précis est le plus probant, est la démarche
double de Louis du côté des transsexes et du côté
d'une autorité (le psychiatre); il penche en faveur de l'autorité,
ce qui lui permet de se rétablir dans une idée de son
corps mais l'équilibre entre son psychisme réel ne rentrant
pas dans un cadre strictement binaire (mâle, masculin, homme)
reste à faire. Le compte-rendu sans perspective de la guérison
de Louis est étonnant et demande à plus de précisions.
La
conclusion indique un rééquilibrage global de louis dans
une identité globale d'homme mais n'indique en aucun cas une
guérison pas plus que cet examen atteste formellement de la stabilité
sur le long temps de ce cas précis.
Reste que ce cas ne relève pas du transsexualisme mais d'une
identité multiple ne recevant pas ou peu de réponse ni
dans la société binaire ni dans le transsexualisme chirurgical
et juridique dans une appartenance binaire.
Maud-Yeuse Thomas
Présidente de l'association Sans Contrefaçon
[lettre à "Le Temps"]
C'est avec indignation que je découvre votre article du temps
du 7 janvier 2006, page 3, intitulé “Transsexualité,
le choix de Louis” par Annie Lietti.
En tant que psychologue clinicien, travaillant avec des personnes transsexes
(ce n'est pas une question sexuelle mais identitaire) et homme ayant
également effectué une transition (femme vers homme),
je trouve que cet article n'est pas intellectuellement honnête.
Il montre un parti pris et comporte des erreurs qui renforce la thèse
de l'auteure. J'aurais aimé voir aussi l'avis d'autres thérapeutes
qui suivent des transsexes sur leurs pratiques et leurs résultats.
N'ayant pas vu Louis, je ne me prononcerai pas sur le diagnostic de
transsexualisme à son égard. En effet beaucoup de thérapeutes
qui sont contre la réassignation produisent des cas dont il n'est
pas toujours possible d'affirmer qu'ils sont transsexes. Certains de
leurs patients, quelques années plus tard, sont aller voir d'autres
thérapeutes et ont fait une transition. De même, tous ces
thérapeutes seraient bien incapables de reconnaître le
discours d'une personne intersexe (cause génétique ou
biologique d'un sexe anatomique atypique) du discours d'une personne
transsexe. Depuis les années 50, la plupart des enfants intersexes
subissent des chirurgies génitales dites “réparatrices”
alors qu'en réalité elles sont mutilantes, détruisant
la sensibilité nerveuse des tissus. Ces chirurgies sont différentes
de celles proposées aux transsexes. Beaucoup de ces enfants sont
chirurgicalement transformés en fille (c'est plus simple) dans
les jours qui suivent leur naissance. Ces enfants ignorent tout de cette
intervention et leur éducation correspond à celle de leur
sexe d'assignation, pourtant un certain nombre demande une réassignation
chirurgicale en l'autre sexe. Ils se croient transsexes.
*Les erreurs:*
1-La transidentité (il s'agit d'identité pas de sexualité)
n'est pas un choix, ni une ambivalence sexuelle. On ne choisit pas son
identité de genre, ni son orientation sexuelle. Longtemps les
homosexuels ont souffert de thérapeutes qui prétendaient
modifier leur orientation sexuelle. Dans les années 50, en France,
on interdisait aux enfants gauchers de se servir de leur main gauche,
on rejetait les enfants nés hors mariage pour leur faire payer
la “faute” des pare nts. Quand la morale et la répression
s'unissent pour empêcher des libertés fondamentales, cela
fait des dégâts. Combien de suicides et de vies gâchées?
Tout comme les femmes sont heureuses de bénéficier si
elles le veulent de l'IVG, de la contraception et les couples de l'aide
à la procréation, les trans considèrent que leur
corps leur appartient et souhaitent avoir accès aux possibilités
médicales. Personne n'oblige les transsexes à changer
de sexe. De même, personne n'empêche, ni n'oblige celles
et ceux qui le veulent de modifier chirurgicalement telle ou telle partie
de leur corps qui ne leur convient pas.
2-Les vaginoplasties sont parfaitement maîtrisées et les
phalloplasties, plus complexes, sont encore en évolution. Mais
les deux types de chirurgies génitales (phalloplastie et vaginoplastie)
permettent des relations sexuelles normales avec orgasmes. Vous auriez
pu vous faire confirmer cela par le Professeur Paul J. Daverio, chirurgien
suisse mondialement connu pour la qualité de ses chirurgies génitales.
3-Les suicides post opératoires sont rares et peuvent avoir de
multiples raisons, comme une rupture amoureuse, la non-acceptation de
l'entourage familial, l'exclusion dû à l'opprobre social,
le handicap important suite à une chirurgie génitale ratée
(d'où l'importance du choix d'un bon chirurgien). Par contre
une chose est sûre, ce sont les cas de suicide en l'absence de
prise en charge médicale et chirurgicale des personnes concernée.
La plupart des trans ont songé au suicide au moins une fois dans
leur vie avant d'entamer les démarches de transition.
Aucune statistique n'est faite sur le suicide des trans avant ou après
chirurgie. Sur les quelques centaines de personnes trans que j'ai rencontré,
deux m'ont dit souhaiter mourir plusieurs années après
leur chirurgie génitale à cause de l'isolement, la solitude
et des moqueries qu'elles subissent dans la rue.
4-Les
femmes transsexuées finissent prostituées. Rien n'est
plus faux. Cela a été en partie le cas quand les états
civils ne pouvaient pas être modifiés. Actuellement, les
transsexes femmes et hommes exercent toutes sortes de métiers
avant, pendant et après leur transition.
5-Dominique Chatton affirme que «(...) les transsexuels ont en
effet une caractéristique commune : ils sont peu enracinés
physiquement, surtout dans leurs organes génitaux.» Ce
n'est pas mon constat. Nombre de trans ont eu des relations sexuelles
satisfaisantes avant et après leur transition. La question est
avant tout identitaire, elle ne concerne pas vraiment la sexualité.
Il s'agit d'une identité de genre qui se développe, on
ne sait pourquoi, d'une façon inverse au sexe anatomique. C'est
cette dichotomie qui amène les trans à demander des modifications
corporelles pour faire correspondre leur corps à leur identité
de genre.
Par ailleurs, combien de personnes non-trans n'ont pas investi leurs
organes génitaux? Cela n'en fait pas pour autant des transsexes.
6-Quant à l'importante mutilation de la fonction d'excitation
sexuelle, c'est sans doute un phantasme de Dominique Chatton. Tout le
monde sait que c'est le cerveau qui est l'organe sexuel le plus important.
Concernant l'excitation, tout se passe d'abord dans la tête. L'excitation
est aussi liée au désir. Le phantasme est un des moyens
de parvenir à une excitation suffisante. Il ne me semble pas
qu'une gonadectomie —dont les transsexes n'ont pas l'exclusivité—
enlève des neurones au cerveau.
Tom REUCHER, psychologue clinicien
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